Vierge des tueurs (La)

Vierge des tueurs (La)
Titre original:Vierge des tueurs (La)
Réalisateur:Barbet Schroeder
Sortie:Cinéma
Durée:101 minutes
Date:20 septembre 2000
Note:
Le vieil écrivain Fernando Vallejo, le dernier grammairien de la Colombie, revient à Medellin, sa ville natale, afin d’y mourir. Dans un bordel de garçons, il fait la connaissance d’Alexis, un jeune tueur à gages, dont il tombe amoureux. Alexis s’installe chez lui et les deux amants déambulent ensemble dans la ville, le vieux exacerbé par le bruit et la violence et le jeune prompt à tirer son flingue et à assassiner les gens qui lui déplaisent. Sur cette romance inégale entre l’intellectuel d’âge mûr et l’adolescent issu de la rue pèse la menace d’un contrat sur la tête d’Alexis, qui n’aurait pas payé ses dettes envers la bande d’un quartier ennemi.

Critique de Tootpadu

Il souffle plus qu’un vent pestilentiel de fin de millénaire sur ce film au ton plus cynique que d’habitude pour le réalisateur Barbet Schroeder. Il serait en effet difficile de dépasser la noirceur du propos de La Vierge des tueurs, tellement les personnages condamnés d’avance à une mort certaine s’y livrent à une valse macabre : ponctuée de manœuvres de séduction un brin malsaines, d’explosions inquiétantes d’une violence aussi omniprésente que totalement gratuite, et surtout marquée par un défaitisme désabusé que seule l’attirance charnelle peut modérer temporairement. La ville de Medellin tel qu’elle est décrite dans ce film magnifiquement crépusculaire est l’antichambre de l’enfer, le cloaque humain d’une civilisation qui ne se nourrit déjà plus que de pots de colle à respirer et qui a trouvé un emploi dans l’air du temps pour les temples d’antan, qui ne sont désormais plus que des centres commerciaux ou des lieux mal famés fréquentés par des trafiquants de drogue.
Dans ce purgatoire dont la seule issue est une mort banale, c’est-à-dire d’être abattu en pleine rue à cause d’un vol de voiture qui a mal tourné ou parce que la solitude urbaine s’est exprimée dans des séance de batterie nocturne, il ne devrait pas avoir de place pour quelque chose d’aussi positif que l’amour. Et pourtant, grâce à la description agréablement décomplexée des rapports homosexuels, Fernando et Alexis, que le chanteur de variété décati prend pour un père et son fils, ont le privilège de se retrouver sur la base commune d’un nihilisme pleinement assumé. L’homme de lettres suicidaire ne voit autour de lui que la décomposition putride de tout ce qui lui était cher à l’époque de sa jeunesse dévergondée, tandis que le garçon, devenu précocement mature pour pouvoir subsister dans un quotidien sans lendemain, ne connaît que la loi du plus fort – qui n’est au fond qu’une variation de celle du plus chanceux – afin de prolonger artificiellement son existence d’un pantin en sursis.
Déjà à l’époque mais sans doute encore plus de nos jours, la réalité colombienne devrait être encore plus désespérante et invivable que ce que l’adaptation du livre de Fernando Vallejo nous en dévoile. A partir de ce climat irrespirable, le récit de Barbet Schroeder nous concocte une variation fascinante du thème du double, dont l’inspiration principale est bien sûr le chef-d’œuvre de Alfred Hitchcock, Sueurs froides. En dépit de quelques séquences oniriques qui vont un peu trop loin dans la quête de symboles religieux, cette version gaie brille par la pureté de son désespoir, ainsi que – d’une manière plus anecdotique – par sa technique numérique, plutôt révolutionnaire il y a douze ans, mais entièrement rentrée dans les mœurs esthétiques dans notre ère, où même la projection des films se fait sans support matériel.

Revu le 12 mars 2012, au Magic Cinéma, Salle 1, Bobigny, en VO

Note de Tootpadu: