Cloclo

Cloclo
Titre original:Cloclo
Réalisateur:Florent Emilio Siri
Sortie:Cinéma
Durée:149 minutes
Date:14 mars 2012
Note:
Rien ne prédestinait Claude François à devenir un des chanteurs préférés des Français. Né en Egypte en 1939, il multiplie les engagements modestes en tant que batteur sur la Côte d’Azur, avant de monter à Paris. Le succès n’y est pas tout de suite au rendez-vous, malgré l’insistance du jeune musicien auprès des producteurs de disques. Sa carrière décolle finalement en 1962, grâce à sa collaboration avec l’agent Paul Lederman. Petit à petit, il devient une figure incontournable de la chanson française, adulé par ses fans adolescentes, maniaque jusqu’à l’obsession lorsqu’il s’agit de maîtriser son image publique. Homme à femmes et bête de scène apparemment increvable à force de se réinventer, Claude François rencontrera pourtant une fin précoce en 1978, succombant aux suites d’un accident domestique.

Critique de Tootpadu

Il n’existe pas d’icône populaire plus française que Claude François. Largement méconnu à l’étranger, au même titre que Johnny Halliday, ce chanteur a su s’imposer à lui seul pendant une période assez courte dans la conscience collective des Français. Sa mort prématurée est pour beaucoup dans la création d’une légende tellement pérenne que même un pastiche sur ses sosies a remporté un succès tonitruant il y a huit ans. L’étoile de Claude François brille donc pour l’éternité, puisqu’il n’a pas dû gérer – involontairement certes – le fâcheux processus de vieillissement qui a déjà eu raison de tant de ses confrères, en tête son idole Frank Sinatra qui n’avait jamais su tirer sa révérence au moment opportun. Et ce n’est pas cette énième biographie filmique d’une célébrité française, après celles ces derniers temps d’Edith Piaf, Coluche, et Serge Gainsbourg, qui le fera tomber de son piedestal. Pour cela, le cinquième film du réalisateur Florent Emilio Siri rechigne un peu trop à une véritable démarche iconoclaste, qui oserait réellement devoiler les côtés cachés de cette vedette à la réputation démesurée.
Or, Cloclo est suffisamment adroit pour atteindre un juste équilibre entre les conséquences enivrantes du succès et les aspects néfastes de cette célébrité. A première vue, le personnage principal ne serait qu’un fils incompris par son père autoritaire, un chanteur de variété fade pour midinettes, et un tombeur de filles superficiel et gâté. A partir de ces clichés prévisibles, qui auraient aisément pu confirmer notre indifférence envers ce chanteur ennuyeux à force de tenir à son apparence proprette, le récit creuse dans les seules zones d’ombres de Claude François. Ce dernier se complaît dans un état d’agitation permanente, dont la finalité principale est de se faire aimer par un public international qui l’ignore royalement. Jamais la frustration de ne pas pouvoir accéder au rêve américain n’est plus flagrante et déchirante à la fois que lors du concert à la Royal Albert Hall, lorsque Claude François entonne la version anglaise de sa chanson phare dans une tentative tragiquement pitoyable de franchir la barrière linguistique. Cet homme qui a toujours voulu tout contrôler ne serait donc qu’un grand enfant dépité et incapable de savourer sa consécration nationale, faute d’atteindre son objectif suprême : se trouver sur un pied d’égalité avec les monstres sacrés de sa profession et notamment l’indémodable Frank Sinatra ? Cette perspective largement adoptée par le film a au moins le mérite d’indiquer des failles dans la cuirasse étincelante derrière laquelle Claude François s’est protégé toute sa vie.
Pour donner vie à ce mouvement de fuite perpétuel – coupé abruptement et d’une façon absurde – vers une forme de plébiscite absolu qu’aucun chanteur n’a jamais connu durablement, Jérémie Renier excelle dans le rôle qu’il avait la vocation de jouer depuis sa naissance. Son interprétation dépasse pourtant la simple ressemblance bluffante. Derrière ses gestes frénétiques, qui imposent un rythme accéléré à la narration, au point de même pas chercher à couvrir tous les événements de la vie mouvementée de Claude François, se cache toujours cet enfant en mal d’amour. L’image du garçonnet qui regarde mi-fasciné, mi-effrayé le bateau immense traverser le canal de Suez, sollicitée encore à la fin du film lors d’un des rares écarts de la mise en scène, est en ce sens le symbole central, quoiqu’un peu trop voyant, pour apprécier simultanément l’approche nuancée de Florent Emilio Siri et l’interprétation en état de grâce de son acteur principal.

Vu le 6 mars 2012, au Gaumont Marignan, Salle 1

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Claude François a marqué de son empreinte indélébile la chanson française et reste à ce jour le sixième artiste français ayant vendu le plus d'albums. Loin de faire une hagiographie, ce film très fidèle et très documenté montre l'homme tel qu'il était réellement devant et derrière les caméras et le public. Cet artiste rejeté par son père, car n'ayant pas décidé de suivre la carrière pour laquelle celui-ci l'avait prédestiné, n'aura cessé de gagner l'attention du public à tout prix.

De son enfance en Égypte, à ses premiers pas dans le monde du spectacle à Monaco et à son ascension brutale en idole des jeunes (son seul concurrent à l'époque était un certain Johnny), tout est bien présent dans cette biographie filmique. Le scénario enjoué de Florent Emilio Siri et Julien Rappeneau ne fait aucune impasse et montre les fêlures de ce perfectionniste (les femmes, son caractère). De bout en bout, ce film réussit là où le film La Môme avait échoué, soit raconter sans temps mort une histoire et surtout donner au public l'envie de se lever et de danser sur des morceaux indémodables, tel le morceau "Cette année-là". Ce témoignage montre bien que cet artiste était en avance par rapport à son temps et laisse un souvenir impérissable au public d'un showman digne des plus grands artistes américains.

Cloclo est une œuvre sans aucune concession, relatant au plus près la dualité d'un chanteur rejeté par son père et n'ayant cessé de vouloir être aime par son public. Ses nombreux travers, perfectionnisme accru, caractère fort et son envie de tout vouloir contrôler et bâtir un empire au delà du domaine de la chanson, ont fait de lui un être autant aimé que détesté. Ses nombreux échecs sentimentaux et sa faillite financière montrent les failles d'un personnage ayant eu un parcours hors du commun. Le film montre tout et, loin d'être un hymne, il peut se voir comme la mise à nue d'un chanteur qui marqua à jamais les mémoires du peuple français.

Florent Emilio Siri, connu jusqu'à maintenant pour des films d'action impressionnants, tels Nid de guêpes et Otages, réussit le pari de retranscrire à l'écran la vie de l'un de nos plus grands chanteurs. Son film témoigne d'une grande précision concernant les faits rapportés et impose Cloclo comme le biopic français le plus réussi à ce jour. Loin de l'impression du film inabouti La Môme, son film s'impose comme une excellente surprise de ce début d'année.

Vu le 23 mars 2012, au Gaumont Disney Village, Salle 1

Note de Mulder: