Territoire des loups (Le)

Territoire des loups (Le)
Titre original:Territoire des loups (Le)
Réalisateur:Joe Carnahan
Sortie:Cinéma
Durée:117 minutes
Date:29 février 2012
Note:
Le tireur d’élite John Ottway a été engagé pour protéger les travaux de forage en Alaska d’éventuelles attaques de loups. Après qu’il a accompli son contrat, l’avion qui était censé le ramener au monde civilisé s’écrase lors d’une tempête de neige. Avec six collègues qui ont également survécu au crash, Ottway prépare la longue marche à travers le désert glacial. Très loin de la moindre habitation, les hommes doivent également se défendre contre une meute de loups féroces, affamés et prêts à tout pour chasser ces envahisseurs involontaires des terres sur lesquelles se trouve leur tanière.

Critique de Tootpadu

Le flair de Liam Neeson pour mener judicieusement sa carrière est à peine plus fiable que celui de Nicolas Cage. Comme ce dernier, l’acteur nord-irlandais multiplie les rôles dans les productions commerciales à la qualité discutable, avec au moins la tragédie de sa vie personnelle pour justifier une telle boulimie de travail peu sélective. Cette aura d’un homme meurtri par la disparition précoce de sa femme lui confère cependant un côté noble dont son confrère, criblé de quelque chose d’aussi banal, voire honteux, que ses dettes auprès du fisc, ne peut que rêver. Contrairement à Cage, qui gratifie les bouses dans lesquelles il apparaît d’un jeu lui aussi navrant, Neeson est toujours le garant d’un minimum de gravité et de sérieux, comme si les lacunes scénaristiques ou l’inexistence de la mise en scène ne pouvaient perturber durablement le stoïcisme de sa carrure imposante. Le Territoire des loups n’est ainsi pas que l’exception qui confirme la règle – c’est-à-dire un film de genre très solide au sein d’une filmographie inégale –, mais aussi et surtout un film taillé sur mesure pour ce comédien hors normes, au parcours hautement atypique.
Le ton nihiliste qui marque en fin de compte l’ensemble du cinquième film du réalisateur Joe Carnahan se fait sentir dès l’introduction, qui voit le protagoniste de peu dissuadé de se suicider. L’aspect le plus intéressant du film est même son exploitation ingénieuse de la formule éculée de la lutte pour la survie dans un environnement hostile, où le groupe des personnages est réduit un par un, jusqu’à ce que seul le plus coriace tienne encore debout. La composition assez caricaturale du groupe de rescapés, qui contient évidemment des clichés aussi prévisibles que le bavard agaçant et l’ex-taulard crâneur qui ne veut pas respecter la hiérarchie de fortune, sert alors à mieux déjouer les codes du genre. Grâce à une dynamique dramatique, qui ne se soucie guère d’imposer une montée en crescendo du processus de sélection naturelle, la tension du récit s’appuie principalement sur une notion de futilité des efforts, qui se distingue agréablement du canon vertueux et édifiant que des films américains moins ambigus d’un point de vue moral ont tendance à nous marteler bêtement. Le danger est omniprésent dans ce décor menaçant, mais les façons d’y rendre son âme sont si variées et parfois même si absurdes, que le périple d’Ottway doit avant tout être interprété comme la vaine révolte d’un homme sans foi contre le cours inextricable du destin.
En dépit de son insistance un peu exagérée sur ces moments iconoclastes et de l’inclusion récurrente de souvenirs de jours heureux, qui rompent avec la nature oppressante des circonstances désespérantes dans lesquelles se trouvent les trappeurs traqués, la mise en scène de Joe Carnahan a une fois de plus fait des progrès notables en termes de sobriété et d’intensité dans la forme et le fond. Et ce que les loups en images de synthèse laissent à désirer, Liam Neeson avec son charisme désabusé le rattrape amplement, à travers une interprétation imposante.

Vu le 5 mars 2012, à l’UGC Ciné Cité Les Halles, Salle 22, en VO

Note de Tootpadu: