Titre original: | Oslo 31 août |
Réalisateur: | Joachim Trier |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 94 minutes |
Date: | 29 février 2012 |
Note: | |
A la fin de l’été, Anders est pour la première fois autorisé à quitter pendant plusieurs heures le centre où il a effectué une cure de désintoxication. Il en profite pour coucher avec une ancienne copine, pour aller voir ses amis d’antan, pour prendre rendez-vous avec sa sœur et pour passer un entretien d’embauche, afin de renouer avec son passé d’étudiant en littérature au talent prometteur. Au fil des heures, ce trentenaire au passé chargé en occasions manquées doit se rendre compte que ce monde, duquel il avait pris congé pendant les cinq ans de sa dépendance, ne l’a pas attendu et que, pire encore, lui-même n’en attend plus rien non plus.
Critique de Tootpadu
Il y a de multiples façons de filmer la toxicomanie. Celle pour laquelle le réalisateur Joachim Trier a opté dans son deuxième film compte sans doute parmi les plus belles, par sa pudeur, sa franchise et surtout son respect pour la dignité humaine qui découle du libre arbitre. Les pulsions suicidaires y sont bien présentes, puisque le film s’ouvre et se ferme essentiellement sur une tentative plus ou moins aboutie, si l’on fait abstraction des montages cadre qui revêtent principalement une fonction de mémoire collective au début et ramassée dans le temps et réduite au seul cheminement d’Anders à la fin. Simultanément, il émane de ce film norvégien une incroyable rage de vivre, plein de dépit, de nostalgie et de pensées néfastes, qui ne peuvent mener qu’à l’autodestruction.
A partir de l’interprétation à fleur de peau d’Anders Danielsen Lie dans le rôle principal, Oslo 31 août dresse le portrait saisissant d’un homme trop lucide pour son propre bien. Le pessimisme d’Anders peint sans relâche le monde qui l’entoure en noir, comme s’il avait constamment besoin de se rabaisser encore plus que son statut social, son vécu, et le regard plein de pitié et de bonne humeur hypocrite que ses proches portent sur lui ne le faisaient déjà. Pourtant, de ce cafard permanent et de ce penchant de se laisser facilement abattre auquel on reconnaît souvent les hommes faibles ne naît pas le genre de ton dépressif, qui a valu au cinéma nordique une réputation pas toujours flatteuse. Les discussion que le protagoniste crépusculaire a avec les personnes qu’il croise au gré de ses déambulations dans cette ville somnolente qu’est Oslo n’ont en effet rien d’un bavardage anodin. Par la grâce d’un scénario et d’une mise en scène exceptionnellement subtils, elles vont même droit au cœur de cette situation désespérante, où celui qui aurait le plus besoin d’un soutien sincère n’est confronté qu’à des individus aussi paumés que lui, mais trop obnubilés par leurs propres problèmes et trop peureux à l’égard de la toxicomanie – cet éternel sujet qui fâche – pour servir à autre chose qu’à exacerber encore la douleur et la solitude d’Anders.
On devrait sortir complètement abattu de ce beau film sur la fragilité de la vie et ces états d’âme qui ont périodiquement tendance à nous pousser vers un geste de gâchis définitif. Le regard attentif et exempt de préjugés du réalisateur n’en fait certes pas une leçon de vie inspirante. Mais son processus de dépouillement des échanges, jusqu’à ne laisser en subsister que le malaise à l’état pur, qui est maintes fois répété lors des retrouvailles douces-amères avec des amis impuissants face au déraillement existentiel de ce jeune homme autrefois respectable, y dégage une vérité humaine très touchante dans son refus de faire semblant.
Vu le 2 février 2012, au Club Marbeuf, en VO
Note de Tootpadu: