
Titre original: | Martha Marcy May Marlene |
Réalisateur: | Sean Durkin |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 102 minutes |
Date: | 29 février 2012 |
Note: | |
Après avoir vécu un certain temps au sein d’une secte sur une ferme reculée, Martha s’enfuit et renoue le contact avec sa sœur Lucy, fraîchement mariée, qu’elle n’a pas vue depuis deux ans. Elle s’installe dans la maison de campagne de Lucy et son mari Ted. Ceux-ci sont d’abord ravis de cette réunion familiale. Au fil des jours, ils se montrent cependant de plus en plus préoccupés par les séquelles psychologiques que cette expérience traumatisante a laissées chez Martha.
Critique de Tootpadu
Profondément enraciné d’un point de vue formel dans l’esthétique du cinéma indépendant américain, le premier film du réalisateur Sean Durkin se démarque par sa liberté du traitement des troubles psychologiques dont souffre le personnage principal. Très loin d’un pamphlet contre les usines d’endoctrinement que sont sans exception les sectes, Martha Marcy May Marlene est davantage une étude fascinante sur la perte de la personnalité et plus précisément sur l’effacement de la barrière mentale entre deux univers aux codes de comportement diamétralement opposés.
Martha n’est à sa place ni chez les illuminés, qui paraissent d’abord adhérer en toute douceur aux vestiges du style de vie alternatif et de la promiscuité propres aux mouvements contestataires des années 1970, ni dans l’univers feutré et respectable de sa sœur, qui représente en quelque sorte dans cette histoire la normalité dans tout ce qu’elle a de plus ennuyeux et d’impuissant. Prise au piège de sa passivité et de la maniabilité d’une volonté, qui ne se laisse pourtant pas entièrement séduire par les chimères de la philosophie tordue des uns et du matérialisme des autres, cette femme flotte quelque part entre une faiblesse de caractère manifeste et l’illusion d’une maîtrise de soi, qui vole en éclats dès que la vie en communauté montre sa vilaine face ou que l’hospitalité familiale atteint ses limites. Cet état de suspension existentiel, la narration a le bon sens de ne pas l’exprimer par des symboles farfelus. De même, la psychose de Martha n’est pas non plus tributaire des représentations tournées vers l’hystérie qui pullulent dans un cinéma qui considère le trouble mental comme une attraction de foire. Quelques transitions assez subtiles entre les deux niveaux temporels du récit suffisent à Sean Durkin pour brouiller les pistes et rendre impossible toute prise de position en faveur de ce personnage complexe ou contre lui.
Cette difficulté, voire cette impossibilité de juger Martha Marcy May et Marlene en dépit de son délire plutôt grave prend son origine dans le jeu de Elizabeth Olsen. Il serait sans doute exagéré de crier à l’interprétation magistrale, mais cette jeune comédienne maîtrise parfaitement le côté détaché de son personnage, qui le rend à la fois vulnérable aux dures réalités de la vie, comme le rite d’initiation auprès du gourou de la secte ou l’exigence de reconnaissance formulée par son beau-frère, et intouchable à l’égard d’une raison suprême à laquelle le film dans son ensemble a d’ailleurs la sagesse de se soustraire largement.
Vu le 11 janvier 2012, au Club de l'Etoile, en VO
Note de Tootpadu: