Parlez-moi de vous

Parlez-moi de vous
Titre original:Parlez-moi de vous
Réalisateur:Pierre Pinaud
Sortie:Cinéma
Durée:90 minutes
Date:11 janvier 2012
Note:
Claire Martin mène deux vies distinctes : le soir, elle est Mélina, l’animatrice de radio la plus écoutée de France qui donne des conseils parfois impertinents à ses auditeurs en manque d’amour ou de sexe, le jour, elle passe inaperçue dans son quartier chic où elle ordonne méticuleusement son quotidien solitaire. Grâce à un cabinet d’enquête, Claire retrouve la trace en banlieue parisienne de sa mère, qui l’avait abandonnée quarante ans plus tôt. Trop anxieuse pour la confronter directement, elle se fait par hasard inviter à la fête d’anniversaire de Lucas, le petit fils par alliance de sa mère supposée.

Critique de Tootpadu

Pour une histoire qui traite essentiellement d’une fouille-merde hystérique et dans laquelle l’éjaculation précoce est mentionnée en tant que sujet de conversation dès l’introduction, le premier film de Pierre Pinaud fait preuve d’une finesse nuancée entièrement appréciable. En effet, Parlez-moi de vous n’est ni une comédie noire de plus sur les aléas de la célébrité, comme avait pu l’être un autre film avec Karin Viard, Le Rôle de sa vie de François Favrat, ni un mélodrame larmoyant sur la quête des origines qui n’apporte en fin de compte aucune réponse rassurante, en mesure de guérir le malaise affectif dont souffre le personnage principal. Il s’agit davantage d’un film adroitement maîtrisé, qui ne cherche point à exploiter les imperfections humaines manifestes de Claire et de Lucas, mais qui sait au contraire les mettre au profit d’un récit à la fois élégant et touchant.
Un des principaux points forts du film réside en sa capacité de toujours préserver une certaine aura mystérieuse autour de cette femme, qui – sous le regard moins attentif que celui du réalisateur – aurait pu dégénérer en la caricature d’une agoraphobe aigrie. Le scénario n’est pas à une surprise près dans le déroulement fort progressif du traumatisme d’enfance, subi par cette célébrité qui vit pourtant en ermite. Le maintien de l’anonymat le plus strict n’est cependant qu’une défense supplémentaire dans la posture existentielle rigoureusement recroquevillée de Claire, dont le centre est ce placard des souvenirs, dans lequel elle s’enferme pour chercher un peu de réconfort illusoire. La contradiction entre son métier de confesseur apprécié par toutes les ménagères et sa sphère privée farouchement gardée à l’écart des autres ne fait alors que souligner encore les fissures d’une personnalité tourmentée, voire capable d’un acte bénin de monstruosité pour obtenir cette preuve d’amour d’après laquelle elle a couru toute sa vie.
Bien entendu, le ton mesuré du film ne se laisse point perturber par pareil écart de conduite, pas plus d’ailleurs que par la levée presque accidentelle de l’anonymat de Mélina, qui change étonnamment peu la donne de l’intrigue. Peut-être parce que l’enjeu principal de cette dernière était depuis le début la relation inégale entre Claire et Lucas, ainsi que ses effets secondaires bien plus salutaires qu’un improbable épanouissement romantique. Car même si la fin ouverte n’étouffe pas complètement l’espoir de retrouvailles, cette rencontre entre deux comédiens majeurs de leurs générations respectives, à savoir Karin Viard et Nicolas Duvauchelle, s’est avérée déjà assez réussie et délicate pour ne pas nous laisser en manque d’une conclusion plus consensuelle.

Vu le 3 janvier 2012, au Club Marbeuf

Note de Tootpadu: