Intouchables

Intouchables
Titre original:Intouchables
Réalisateur:Eric Toledano, Olivier Nakache
Sortie:Cinéma
Durée:112 minutes
Date:02 novembre 2011
Note:
Driss, un jeune de banlieue tout juste sorti de prison, ne s’était initialement présenté à l’offre d’embauche chez Philippe, dans un hôtel particulier parisien, que pour récolter la signature de refus qui lui manquait avant de toucher les aides sociales. Mais l’air insolent et le franc parler du jeune homme d’origine sénégalaise ont immédiatement séduit le riche homme d’affaires, cloué à son fauteuil pour cause de tétraplégie suite à un accident de parapente. Il défie alors son nouvel assistant de rester pendant un mois à son service, histoire de voir s’il est capable de tenir un vrai emploi.

Critique de Tootpadu

Imperturbablement en route vers les dix millions d’entrées alors qu’il est à l’affiche depuis moins d’un mois, le quatrième long-métrage d’Eric Toledano et Olivier Nakache est cette bête rare d’un film qui mérite amplement pareil engouement phénoménal. Loin des pitreries populistes d’un Dany Boon et des frasques enfantines d’un énième épisode d’Astérix et Obélix – hélas ces dernières années les seuls capables de mobiliser autant les foules qui ne fréquentent pas régulièrement les salles obscures –, Intouchables appartient à ces leçons de vie réellement encourageantes qui sont malheureusement en voie de disparition. Au sujet grave qu’il traite, et qui aurait très bien pu être évoqué avec la même sincérité humaine sur un ton sinistre, il répond avec une joie de vivre et un optimisme – en dépit et malgré tout – qui sont pour beaucoup dans son charme irrésistible.
Dès le générique, les deux protagonistes, étroitement soudés l’un à l’autre par une très belle amitié, s’imposent par le biais d’un bras d’honneur royal aux conventions et à la bienséance, quitte à promouvoir indirectement le vandalisme routier. Rien ne paraît désormais impossible pour ces rebelles presque joyeux que leur condition sociale ou corporelle prédestinerait normalement à subir honteusement leur sort. C’est surtout le regard décomplexé à la fois sur le handicap et sur une classe défavorisée que le cinéma, la politique, et l’opinion publique se complaisent trop souvent à cantonner dans des cités où il vaut mieux ne pas mettre les pieds, qui fait l’originalité et la force de cette comédie dramatique que l’on regarde à la fois avec un œil triste et un œil joyeux, même si les larmes qui coulent sont celles déclenchées par l’envie irrépressible de rire de l’attitude franche et irrévérencieuse de Driss. A force d’explorer les aspects positifs de la mixité de la société française dans leurs films précédents, sans jamais perdre de vue la dimension humaine et donc forcément touchante de leurs personnages, les réalisateurs ont désormais atteint la formule quasiment parfaite pour tenir compte des travers de la vie d’une façon constructive.
Loin de nous l’idée de vouloir cracher dans la soupe d’une si belle réussite à la fois cinématographique et humaine, puisqu’une partie des bénéfices gargantuesques du film sera reversée à une association qui aide les personnes handicapées à vivre dignement chez eux, mais le scénario a une tendance presque fâcheuse à colporter de vieux stéréotypes raciaux. Bien que ces derniers soient traités avec une subtilité et une sensibilité appréciables, un petit arrière-goût douteux demeure, à cause du soupçon d’avoir assisté après tout à une version particulièrement bien faite des contes raciaux édifiants et prétendument progressistes sur lesquels l’acteur Sidney Poitier avait bâti son image de marque aux Etats-Unis il y a un demi-siècle. Vu sous cet angle-là, le personnage qu’Omar Sy joue avec une énergie communicative, elle aussi un peu trop exemplaire, ne serait alors qu’une variation habile et sans doute guère mal intentionnée du « bon Noir » qui apporte sa joie de vivre aux blancs, riches et coincés, desquels il a pourtant besoin pour s’affranchir de sa condition sociale avilissante.
Et si le succès retentissant de ce film suprêmement divertissant reposait finalement sur la promotion peut-être involontaire du statu quo social, qui veut que les populations immigrées dépendent du bon vouloir des Français de souche pour se rendre utiles ? A moins que cette lecture d’une intrigue, passablement romancée par rapport à l’histoire vraie sur laquelle elle se base, ne soit que le reflet d’une société intrinsèquement injuste, au sein de laquelle il est néanmoins possible de dénicher quelques pépites d’une humanité enrichissante, en mesure d’égayer au moins temporairement notre philosophie pessimiste.

Vu le 24 novembre 2011, à l’UGC Ciné Cité Bercy, Salle 33

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Comment aborder un film français aussi parfait, qui apporte aux spectateurs une telle dose de plaisir et de tristesse au point de leur donner envie de se lever pour applaudir devant une telle réussite majeur du cinéma ? Le mois dernier The Artist avait créé la surprise. Mais c’était plus un brillant exercice de style mené par un couple d'acteurs brillants (Jean Dujardin et Bérénice Bejo). Il manquait une profondeur à ce film pour en faire un film générationnel. Intouchables réussit là où The Artist avait échoué, soit en reposant sur un scénario brillant qui montre les travers de notre société actuelle. Une société composée de classes sociales clairement séparées en trois niveaux. Philippe, handicapé suite à un accident de parapente, fait partie de la classe des très aisés et est interprété par l'un des meilleurs comédiens actuels, François Cluzet. Driss est l'exemple parfait de la classe pauvre, celle vivant dans des sociétés parallèles, gangrenées par des trafics de toutes sortes. Assisté et vivant au crochet de la société comme beaucoup, rien ne l'aurait laissé deviner que sa rencontre et l'amitié réelle qui allait découler de leur collaboration allait le changer profondément. Inspiré d'une histoire vraie, cette cohabitation entre deux êtres que tout oppose est le plus bel exemple d'intégration vu récemment au cinéma. Il rejoint ainsi le film La Couleur des sentiments en élevant la conscience du spectateur vers le constat amer d'une société imparfaite.

Un film touchant et surtout interprété par deux comédiens que tout oppose. François Cluzet est un acteur de composition, qui trouve enfin un rôle faisant exploser tout son talent. Il habite son rôle totalement et réussit à nous émouvoir avec uniquement un regard, un mot. Par opposé, la grande surprise du film est de montrer que l'acteur Omar Sy n'est pas qu'un simple comique sans profondeur (« SAV des émissions » et quelques films mineurs). Les deux réalisateurs qui avaient déjà travaillé avec cet acteur, lui offrent le rôle de sa carrière, un rôle profond qui lui permet de dévoiler une facette encore inconnue et de montrer qu'il est un excellent acteur. Son rôle le rapproche de l'âge d'or de Eddie Murphy du temps du Flic de Beverly Hills, d’Un fauteuil pour deux. Non seulement le débit vocal de Omar Sy mitraille d'excellentes tirades sur notre société actuelle, mais il arrive à nous émouvoir également, lorsqu'il s'agit de prendre position.

La force de ce film vient surtout d'un nombre impressionnant de répliques vouées à devenir cultes. La comédie étant le genre parfait pour véhiculer un nombre important de remarques sur notre société actuelle, où sortir du cadre traditionnel est un handicap de taille. Le recrutement d'embauche au début du film est l'exemple parfait pour nous montrer en quoi le personnage de Driss part avec un handicap de taille sur différents points. Pourtant, c’est bien le seul à rester lui-même et à ne pouvoir être un clone de l'image consensuelle des candidats postulants. Toute la société est donc brancardé tout au long de ce film : l'art, les handicapés, les relations amoureuses (la correspondance épistolaire). Une grande comédie est une comédie qui arrive à nous faire voir le monde autrement et à nous pousser à nous remettre en question. Ce film est en cela une réussite majeure !

Intouchables est donc de très loin la meilleure comédie française de l'année, voire depuis Bienvenue chez les ch’tis. C’est celle de l'émergence de deux jeunes réalisateurs se cantonnant auparavant à de petites comédies inoffensives, mais aussi celle d'une génération par le portrait qu'il brosse de notre société inégalitaire. C’est surtout le reflet d'une histoire vraie sur une amitié entre deux hommes, qui ont appris à se connaître et à s'apprécier en travaillant ensemble.

Le film français incontournable de l'année ! A voir, à revoir, et surtout à utiliser en école de cinéma pour la perfection à tous les niveaux de ce film, qui vous fera rire et pleurer, voir la vie autrement et mieux apprécier ces petits moments passés avec ses proches.

Vu le 4 novembre 2011, au Gaumont Disney Village, Salle 1

Note de Mulder: