Malveillance

Malveillance
Titre original:Malveillance
Réalisateur:Jaume Balaguero
Sortie:Cinéma
Durée:101 minutes
Date:28 décembre 2011
Note:
Le concierge César n’a jamais su être heureux. A son nouveau poste dans un immeuble de standing, il s’applique à détruire petit à petit le bonheur des locataires, et plus particulièrement celui de Clara, une jeune femme à la bonne humeur inaltérable.

Critique de Tootpadu

Les mécanismes d’identification fonctionnent à merveille dans le nouveau film du réalisateur Jaume Balaguero, qui s’était déjà exercé, en tandem avec Paco Plaza, dans l’exploration des perversions du point de vue dans les deux premiers REC. Comme dans chaque bon thriller, la tension résulte ici d’un investissement émotionnel en une situation, dont l’ambiguïté morale devrait pourtant inciter le spectateur à garder ses distances. Ainsi, l’introduction de Malveillance nous présente le protagoniste sous un jour suffisamment engageant pour que, après, nous ne puissions plus rejeter en bloc les agissements de cet individu mesquin. Le très bref récit cadre, qui montre César sur le point de se suicider à cause de ses frustrations existentielles, est suivi par le réveil matinal dans l’appartement de Clara. La façon discrète que le personnage principal emploie pour s’éclipser sans déranger sa partenaire relève à première vue de l’attention bienveillante à l’égard de celle qui pourra encore dormir quelques heures supplémentaires. Quand nous le voyons prendre l’ascenseur afin de descendre jusqu’en bas de l’immeuble, à la loge plutôt misérable du gardien, cette impression initialement positive prend un premier coup, à cause du déséquilibre social de cette relation supposée. Ce n’est que quelques minutes plus tard, lors du retour frauduleux dans l’appartement de la locataire le soir suivant, que le côté malsain de la présence de César est clairement établi.
Or, grâce à la narration adroite, il est désormais trop tard pour rompre notre lien affectif avec cet homme, qui provoque peut-être autant de sympathie chez nous, parce que la petite guerre qu’il mène contre pratiquement toutes les personnes de son entourage – de Clara à la vieille dame aux clébards, en passant par la femme de ménage et son fils effronté – pourrait être comprise comme une croisade dérisoire contre le caractère hypocrite de notre civilisation. Avant d’atteindre le point de non-retour, sa démarche se caractérise en effet par une petitesse qui borde à la ringardise, tellement ses différents actes de sabotage pourraient au mieux servir de point de départ à un enchaînement de conséquences plus graves. A la limite, il aurait été préférable d’un point de vue dramatique de laisser cet individu maladivement malheureux piétiner à son propre niveau de frustration et de médiocrité accablante, au lieu d’engager le récit dans une surenchère involontaire d’actes de violence, qui confère une certaine grandeur monstrueuse à ce méchant sans scrupules, duquel même sa propre mère aimerait s’enfuire, si elle n’était pas obligée d’écouter ses confessions à peine voilées sur son lit d’hôpital.
L’aspect visuel très soigné du film, en contraste évident avec les mouvements de caméra de plus en plus désordonnés dans l’univers de REC, souligne le décalage entre la banalité du quotidien dans un immeuble bourgeois et les manœuvres malveillantes qui se trament en son sein. La mise en scène y entreprend avec une subtilité fascinante le jeu du chat et de la souris, avec un échange perpétuel des rôles entre le spectateur et le protagoniste, ainsi que ce dernier et ses proies successives, qui n’aurait certainement pas déplu à l’infatigable maître du genre, Alfred Hitchcock.

Vu le 26 octobre 2011, au Club 13, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Jaume Balaguero signe avec Malveillance son sixième film, dont deux en tandem avec son comparse Paco Plaza, REC et REC 2, et délègue pour la première fois le scénario à l'un de ses proches Alberto Marini. Ce film marque aussi un tournant dans sa carrière de réalisateur, car il délaisse le cadre de l'horreur pure et dure (La Secte sans nom, Darkness, Fragile) pour nous dépeindre une horreur plus ancrée dans le quotidien. Aucun élément surnaturel ne viendra se confronter au décor unique du film, soit un immeuble cossu de Barcelone. Tel le film Henry Portrait d'un serial killer de John McNaughton, le réalisateur prend le parti de dresser une étude sociologique d'un être diabolique, qui officie en qualité de gardien de cet immeuble. Obsédé par l'une des locataires (Clara / Marta Etura), César (impressionnant Luis Tosar, entrevu précédemment dans Miami Vice Deux flics à Miami) l'espionne et fait tout pour qu’elle puisse ressentir quelque chose pour lui.

Malveillance s'apparente plus à une étude sociologique qu’à un film d'horreur classique. Le réalisateur appuie tout son film sur ce personnage de César, qui prend un plaisir malsain à tourmenter son entourage. La force du film est de rendre l’action crédible et de capter l'attention des spectateurs, malgré un rythme très lent. Autant les précédents films de Jaume Balaguero portaient plus leur attention sur le cadre de l'histoire et sur une évolution croissante de l'horreur, autant Malveillance dresse le portrait d'un sociopathe amoureux de sa voisine. Ce film pourrait donc avoir deux niveaux de lecture, soit celui d'une approche romantique exacerbée d'un homme reclus sur lui-même, soit celui d'un tueur ordinaire, un laissé-pour-compte que la société a poussé à la transgression. Toute la force de ce film provient donc d'un scénario décrivant parfaitement et en profondeur des personnages certes classiques, mais ayant tous une faille plus ou moins profonde.

Jaume Balaguero semble donc plus s’ancrer dans la lignée des thrillers hitchcockiens, que dans celle des films du renouveau hispanique de l'horreur classique. En changeant de style, il montre qu'il est un réalisateur jouissant d'une connaissance cinéphile très large, qui cherche à tenter de nouveaux genre pour que son art puisse s'exprimer librement.

Ce film est certes une œuvre mineure, comparée aux maîtres du genre John Carpenter, George A. Romero, et Joe Dante, mais il montre que le cinéma espagnol est un cinéma original, qui cherche à agrandir ses fondations classiques pour imposer de nouveaux auteurs.

Vu le 28 novembre 2011, au Club 13, en VO

Note de Mulder: