Footnote

Footnote
Titre original:Footnote
Réalisateur:Joseph Cedar
Sortie:Cinéma
Durée:106 minutes
Date:30 novembre 2011
Note:
Jusqu’à présent, le seul point de fierté dans la carrière du professeur Eliezer Shkolnik, un chercheur puriste et exigeant dans le domaine des différentes versions du Talmud, a été une citation de ses mérites en note de bas de page d’un ouvrage de référence dans son domaine. Alors que son fils Uriel est un professeur d’université brillant, acclamé par ses confrères et plus souple dans la vulgarisation de ses écrits, Eliezer campe sur ses positions et mène une existence solitaire. Tout change cependant, quand le vieux scientifique misanthrope reçoit un appel du ministère de l’éducation qui lui annonce qu’il serait le lauréat du prestigieux prix d’Israël cette année, la distinction suprême de son pays à laquelle il a été nommé des dizaines de fois sans jamais la recevoir.

Critique de Tootpadu

Il n’y a pas plus israélien que les études du Talmud, le recueil écrit des traditions orales de la loi juive, et le prix d’Israël, une sorte de légion d’honneur d’une nation qui se sent sans cesse obligée d’affirmer sa singularité dans un contexte géopolitique à son désavantage. Et pourtant, le quatrième film du réalisateur Joseph Cedar, récompensé du prix du scénario au dernier festival de Cannes, pourrait aisément passer pour un film italien, dans la tradition de ceux de Nanni Moretti pour le fond iconoclaste et narquois, et d’un point de vue formel pas sans similitudes avec le style insistant et plutôt alambiqué d’un Paolo Sorrentino. En même temps, Footnote réussit l’exploit remarquable de tirer quelques vérités universelles d’une histoire peuplée de personnages bornés et nombrilistes.
L’affiche initiale du film, qui montre le professeur Eliezer Shkolnik debout sur le carton de sa candidature au prix tant convoité avec un casque sur les oreilles, était en effet symptomatique de l’attitude de ce personnage principal nullement avenant envers le monde qui l’entoure. La médiocrité de son parcours professionnel, qui est surtout due à l’intransigeance de ses méthodes et à un climat rude de compétition entre chercheurs, l’a rendu aigri, voire hostile à l’égard de toute influence venue de l’extérieur, qu’elle soit de l’ordre du bruit ou d’une perturbation de sa routine quotidienne. Au début, on pourrait croire qu’il est en proie aux premiers signes de sénilité, alors que son entêtement est surtout le fruit d’une frustration existentielle qui l’a rendu méfiant envers les institutions à grande et à petite échelle, c’est-à-dire respectivement la faculté et la famille. C’est néanmoins un homme vaniteux, qui est convaincu qu’il mérite cette récompense, malgré son évolution scientifique en vase clos et les doutes qui s’installent en lui suite à sa recherche minutieuse autour d’un terme suspect dans le rapport du jury. En somme, ce vieux bougre égoïste ne mériterait pas tout le cirque que l’on fait autour de lui, si ce n’était pour son rapport plus qu’ambigu avec son fils.
Celui-ci, dont l’acteur Lior Ashkenazi ressemble même physiquement à Moretti, est l’exemple parfait d’une descendance qui cherche désespérément à s’affranchir de l’influence du père, mais qui y échoue assez lamentablement. Uriel est bien conscient des limitations du travail de son père. Un vague sentiment de solidarité familiale le pousse pourtant à sacrifier en quelque sorte sa propre évolution professionnelle au profit de la reconnaissance tardive et erronée de son père. En fin de compte, il ne reste que l’intention de bien faire et de préserver une certaine cohésion familiale comme aspects nobles de cette démarche qui se retourne malicieusement contre son instigateur.
C’est justement cette méchanceté ironique qui rend le film aussi amusant. Tandis que les quelques tentatives d’un humour plus physique, comme la pièce exiguë de la réunion secrète, ont tendance à être usées jusqu’à la corde et que certains dispositifs formels encombrent artificiellement le récit, le ton moqueur avec lequel la mise en scène observe le microcosme poussiéreux des universités israéliennes accentue assez subtilement la dimension tragique de la méprise au centre du revirement principal du film.

Vu le 24 octobre 2011, au Club Marbeuf, en VO

Note de Tootpadu: