Titre original: | Mort aux trousses (La) |
Réalisateur: | Alfred Hitchcock |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 136 minutes |
Date: | 21 octobre 1959 |
Note: | |
Roger Thornhill, un publiciste bon vivant, est mépris pour un certain George Kaplan dans le hall de son hôtel. Deux hommes l'enlèvent et lui font subir un interrogatoire bien arrosé dans une demeure à la campagne. Ivre mort, Thornhill est relâché au volant d'une voiture qui est censé s'abîmer dans l'océan. Mais Thornhill réussit à en regagner tant bien que mal le contrôle, jusqu'à ce qu'une patrouille de police l'arrête et le mette en cellule de dégrisement. Le lendemain, ni sa mère, ni la police ne croient Thornhill, qui est alors décidé de trouver George Kaplan par ses propres moyens.
Critique de Tootpadu
Alfred Hitchcock est au sommet de son art dans ce thriller plein de rebondissements et de pulsions inassouvies. Il y applique une recette d'une telle efficacité en termes de divertissement, qu'il reste à peine quelques moments pour souffler, après tant de pièces maîtresses qui s'enchaînent. Difficile en effet d'énumérer les séquences fortes du film, tellement elles sont nombreuses : de la vente aux enchères burlesque à la chasse à travers les têtes des présidents du Mont Rushmore, en passant par la poursuite de l'avion dans les champs. Mais tout n'est pas qu'agitation rocambolesque dans ce pendant pas si léger que ça de Sueurs froides.
En parallèle de l'intrigue d'espionnage haute en couleur se tisse en effet une histoire savoureusement tortueuse. Le parcours du protagoniste, qui progresse du stade enfantin, avec le rôle prépondérant de la mère, à celui de l'adolescent désespérément amoureux, pour finir en adulte qui agit par lui-même, est ainsi empreint d'un érotisme tordu. Les rapports qu'il entretient avec Eve Kendall sont profondément ambigus et constamment entachés d'une soif sexuelle affirmée. Il est d'ailleurs étonnant de constater à quel point Hitchcock et son scénariste Ernest Lehman ont pu faire allusion explicitement au sexe, sans se faire taper sur les doigts par la censure morale américaine. Les moments de séduction et de répulsion réticente entre les deux amoureux tortueux respirent par conséquent un érotisme, dont le taux de frustration et de doute est étonnant.
Le récit de ce film en forme de puzzle progresse à une vitesse phénoménale, tout en ajoutant au fur et à mesure des pièges et des fausses pistes. Puisque Thornhill se trouve régulièrement tout près de la mort, l'heure est à l'improvisation sans la moindre interruption. Le ton du film laisse simultanément planer un doute inconfortable sur l'aspect ludique, ou au contraire, terriblement sérieux de l'action. Et la lecture de ce plaisir filmique sans limite peut se faire de même comme divertissement magistral ou en tant que constat plutôt noir sur l'humanité en général, et le rapport homme/femme en particulier.
Enfin, la bande originale de Bernard Herrmann joue admirablement sur cette gêne nerveuse, sur cette absence de repères dans un monde en quête d'identités diverses. Son influence s'entend encore de nos jours dans les partitions d'un James Horner ou d'un Philip Glass, tandis que la technique des effets spéciaux a heureusement fait d'immenses progrès depuis.
Revu le 31 août 2007, à la Cinémathèque Française, Salle Henri Langlois, en VO
Note de Tootpadu: