Exercice de l'Etat (L')

Exercice de l'Etat (L')
Titre original:Exercice de l'Etat (L')
Réalisateur:Pierre Schœller
Sortie:Cinéma
Durée:112 minutes
Date:26 octobre 2011
Note:
Le ministre des transports Bertrand Saint-Jean est réveillé en pleine nuit par son fidèle directeur de cabinet. Un accident de car a fait une douzaine de victimes et le haut dignitaire est dépêché sur les lieux du drame en province, afin d’y faire part de son émotion. De retour à Paris, Saint-Jean est confronté à un autre chantier politique : le ministre du budget réfléchit publiquement à la privatisation des gares, tandis que son confrère des transports s’y oppose catégoriquement. Pendant ce temps, le chômeur de longue durée Martin Kuypers commence un stage au ministère, qui se transforme en poste de chauffeur officiel de Saint-Jean.

Critique de Tootpadu

Le politicien français est-il un pantin monstrueux ou bien lui reste-t-il un vestige d’humanité qui rendrait ses actions utiles pour les administrés dans l’intérêt desquels il est censé gouverner ? Le deuxième film du réalisateur Pierre Schœller, après Versailles, se penche sur cette question essentielle qui est pour beaucoup dans la lassitude que la plupart des contribuables éprouvent à l’égard de la classe politique. En explorant les arcanes du pouvoir, L’Exercice de l’Etat ne cherche pas à caricaturer la présidence en place, ni à formuler un agenda de revendications qui sortirait notre cher pays de la crise permanente dans laquelle il se trouve depuis si longtemps. Son but est davantage de montrer à quel point le rythme soutenu du quotidien d’un ministre – avec ses rendez-vous aux quatre coins du territoire national, ses manœuvres politiques de basse cour, et ses ambitions égoïstes qui ne servent qu’à survivre un jour de plus dans la jungle des élus déloyaux – rend la vision sincère d’un avenir meilleur pour la collectivité tout simplement impraticable.
Comme l’indique la première séquence du film sur le rêve érotique, Bertrand Saint-Jean dispose encore de quelques pulsions viscérales qui ont su résister au rouleau compresseur d’un emploi du temps exténuant. Même son jardin secret fantasmagorique est cependant soumis aux décors luxueux de ses bureaux. Ces derniers sont en réalité entièrement exempts d’un espace d’intimité, puisque le ministre n’hésite pas à répondre aux toilettes à un coup de fil qui décidera de la poursuite de sa carrière politique. Les rouages d’un système calibré jusqu’à la moindre parole et au moindre geste près broient en effet tout ce qui a trait à l’imprévu et à la faille humaine dans la carcasse imperméable d’un homme public. Chaque détail, aussi compromettant soit-il, est récupéré, voire retourné, pour s’assurer de la bonne volonté de ceux qui tiennent les manettes d’un appareil politique en roue libre. Un accident grave survenu parce que le ministre a outrepassé ses prérogatives lui sert de tremplin pour rebondir dans l’opinion publique. Il lui ouvre même des voies auxquelles sa gestion jusque là calamiteuse ne l’avait nullement prédestiné. Et cette promotion inespérée se paye au prix de la trahison sans état d’âme d’un vieux confident.
En somme, le politicien type selon Pierre Schœller serait un opportuniste, traqué sans cesse par l’urgence qui lui dicte son code de conduite d’une souplesse considérable. La seule chose que ce ministre surmené ait accompli au fil de ce film fascinant, c’est d’être le dernier homme resté debout quand d’autres n’ont pas su esquiver avec autant d’adresse ou de chance les coups de massue que l’environnement impitoyable de la politique leur a assené sans discontinuer. Sous les traits d’un Olivier Gourmet magistral, ce personnage passablement tragique donne un visage presque attachant à cette armée de bureaucrates qui prétend diriger les destins de la France, alors qu’elle ne cherche réellement qu’à se suffire à elle-même.

Vu le 19 septembre 2011, au Club de l'Etoile

Note de Tootpadu: