A la Une du New York Times

A la Une du New York Times
Titre original:A la Une du New York Times
Réalisateur:Andrew Rossi
Sortie:Cinéma
Durée:91 minutes
Date:23 novembre 2011
Note:
Alors que ses recettes publicitaires sont en chute libre depuis des années et que l’information gratuite disponible ailleurs sur le web séduit de plus en plus ses lecteurs habituels, le New York Times doit de nouveau lutter pour sa survie. Une des stratégies pour subsister dans ce contexte économique précaire, qui voit un quotidien américain après l’autre déposer le bilan, était la création d’un département dédié aux médias. Pendant un an, le réalisateur Andrew Rossi a suivi les journalistes de cette rédaction comme David Carr, qui doivent chroniquer une révolution de leur secteur, susceptible de mettre aux oubliettes leur propre travail dans cette institution vénérable.

Critique de Tootpadu

Selon la théorie pérenne de l’évolution, ce ne sont pas les plus forts qui s’en sortent le mieux, mais ceux qui savent s’adapter à un environnement changeant en permanence. Le temps où les journaux détenaient le monopole de l’information, tout juste partagé avec quelques chaînes de télévision, qui respectaient sagement le travail de fond effectué par la presse écrite, appartient d’une manière irrévocable au passé. Grâce aux nouvelles technologies, tout un chacun peut désormais s’improviser en journaliste, tant qu’il réussit à capter l’attention d’un lectorat de plus en plus volatile. Il ne nous viendrait pas à l’esprit de critiquer pareil tournant vers la mise en valeur de l’amateurisme, puisqu’il nous permet concrètement d’accéder en tant que bloggeur et assimilés à toutes sortes d’événements professionnels, qui étaient jadis la chasse gardée des « vrais » journalistes. Dans le cadre d’un journal aussi sérieux et instructif que le New York Times, l’écriture dans un but informatif relève néanmoins du métier à part entière avec ses règles de déontologie journalistique, en voie de disparition comme la lecture matinale du journal, qui ne devra plus prendre que vingt minutes superficielles.
Les modes de réception de l’information changent et avec eux la configuration des médias qui leur servent de relais. A la une du New York Times n’est pas le journal classique du processus de travail des journalistes, de l’ébauche d’un sujet d’investigation jusqu’à sa défense devant le comité de rédaction qui décide de quel article fera la une du journal du lendemain. Le point de vue adopté par le réalisateur Andrew Rossi est beaucoup plus global, notamment en prenant en compte les changements profonds auxquels les journalistes doivent réagir s’ils veulent rester dans la course éternelle à la pertinence. Le documentaire résiste à la tentation de n’être qu’une nécrologie respectueuse de la vieille dame de la presse américaine, pour montrer au contraire que l’urgence de s’adapter aux bouleversements cataclysmiques de la profession peut produire une sorte de vitalité du désespoir pas sans intérêt. L’hémorragie humaine d’un plan social, qui implique le départ d’une centaine de salariés du journal le plus respecté de la côte est des Etats-Unis, n’est ainsi évoqué qu’en passant, pendant que la narration se concentre sur l’aspect changeant sans cesse de la presse américaine.
Le ton de ce documentaire fort informatif tend même à être un peu trop factuel et impartial. La santé économique de son sujet a beau décliner à vue d’œil, sa narration sait garder ses distances envers ce monstre sacré qui a perdu beaucoup de sa superbe. De cette approche résulte un discours plutôt neutre, qui inclut admirablement les tenants et les aboutissants d’une problématique trop complexe pour adopter quelque parti pris que ce soit. Faut-il être en faveur de la démocratisation révolutionnaire de l’accès à l’information et de sa diffusion ou ne vaut-il au contraire pas mieux d’opter pour l’approfondissement à l’ancienne d’une actualité à son tour trop polymorphe pour être comprise en un seul commentaire bref laissé sur Facebook ou Twitter ? Toujours est-il que la disparition des grands journaux nationaux risque de porter un coup fatal à la qualité et à l’impartialité toute relative du travail rédactionnel à travers le monde.

Vu le 9 septembre 2011, au C.I.D., Deauville, en VO

Note de Tootpadu: