Return

Return
Titre original:Return
Réalisateur:LIza Johnson
Sortie:Cinéma
Durée:98 minutes
Date:00 2011
Note:
De retour d’une mission en terrain de guerre, Kelli ne rêve que de reprendre une vie normale auprès de son mari, le plombier Mike, et de ses deux filles. Elle considère qu’elle a eu de la chance, que d’autres appelés de la garde nationale ont dû voir des choses bien pires que ce qu’elle a vécu là-bas, loin de son foyer préservé dans une petite ville industrielle en province. Mais la quiétude anticipée du retour chez soi n’a pas lieu d’être pour Kelli, qui n’arrive pas à reprendre goût à son existence bien rangée.

Critique de Tootpadu

L’Amérique est en crise. Entre des guerres qui se terminent laborieusement sans donner l’occasion aux vétérans de tirer un trait psychologique sous leurs expériences traumatisantes et une récession économique qui s’installe inévitablement sur la durée, le temps n’est pas du tout au beau fixe pour cette superpuissance qui a d’ores et déjà entamé le déclin lent sur la pente historique que tous les empires ont empruntée avant de se faire supplanter par un nouvel ordre du monde. Ce premier film, qui évoque d’une façon assez subtile les problèmes d’une femme de reprendre pied dans son quotidien très banal suite à sa démobilisation temporaire, devrait donc être symptomatique du futur processus d’une prise en compte cinématographique de ce malaise national. Là où le magnifique The Messenger de Oren Moverman nous emmenait il y a deux ans sur une montagne russe des émotions à travers la catastrophe à échelle personnelle de l’annonce de la mort d’un proche sur le champ de bataille, Return intrigue davantage par son aspiration à un semblant illusoire de normalité.
Au début, le retour de Kelli paraît en effet se dérouler sans accroc majeur : l’attirance sexuelle envers son mari est restée visiblement intacte et le départ à l’étranger lui a permis de prendre conscience de la taille modeste de son lieu de travail, sans que cette ouverture de nouveaux horizons ne l’ait dégoûtée de son emploi à la cadence répétitive. Il n’empêche que quelque chose ne va pas chez ce personnage au traumatisme sourd, qui ne se précise pas plus que les détails sur sa mission au front. Les explications psychologiques sommaires pour la déroute de Kelli paraissent aussi peu intéresser la réalisatrice Liza Johnson que les effusions démesurées de sentiments. La douleur de cette femme, qui a choisi le service militaire plus par nécéssité que par conviction, est bien tangible. Mais elle ne veut ou ne peut l’exprimer de façon à ce que ses proches la comprennent et qu’elle puisse recommencer comme avant cet épisode décisif de sa vie. Conformément au ton assez désabusé du film, il n’existe pas de solution miracle aux séquelles invisibles d’une guerre, ni une vie en marge de la société sans eau courante mais avec des drogues de pacotille, ni une fuite à l’improviste de ses responsabilités civiques.
La fin de ce film sobre et silencieusement désespérant referme alors sans le moindre pathos le cercle vicieux dans lequel Kelli s’est engagé. Le mouvement stérile qu’elle a entrepris depuis le début pour évacuer de son esprit toutes les horreurs, que la mise en scène a adroitement épargnées à nos yeux et à nos oreilles, ne visait peut-être au fond qu’à renouer avec cette seule réalité de l’urgence guerrière, que les civils ne sont pas disposés à ressentir ou à partager avec ces morts vivants, qui ne sont chez eux que parmi leurs semblables, des vétérans éternels.

Vu le 3 septembre 2011, au C.I.D., Deauville, en VO

Note de Tootpadu: