Tu seras mon fils

Tu seras mon fils
Titre original:Tu seras mon fils
Réalisateur:Gilles Legrand
Sortie:Cinéma
Durée:101 minutes
Date:24 août 2011
Note:
A quelques jours des vendanges du célèbre Clos de l’Abbé, le fidèle régisseur François Amelot tombe gravement malade. Le propriétaire de la vigne, Paul de Marseul, se résigne à contre-cœur de confier l’organisation de la récolte à son fils Martin. Cette solution temporaire ne satisfait pas du tout ce père exigeant et cruel, qui considère son fils incapable de maintenir le niveau prestigieux et raffiné de la vigne. Il profite alors de l’état préoccupant de François pour dépêcher Philippe, le fils de celui-ci et un œnologue avec une solide expérience acquise à l’étranger, à son chevet. Paul croit avoir trouvé en ce jeune homme prometteur un digne successeur, mais il a sous-estimé l’entêtement de Martin qui compte bien occuper la place qui lui revient.

Critique de Tootpadu

La note sinistre sur laquelle s’ouvre Tu seras mon fils, avec la crémation en présence de Martin dans un état avancé de léthargie émotionnelle, peut être comprise comme un présage détourné de ce qui va suivre. Le récit opère immédiatement après un retour en arrière assez important, vers un passé aucunement plus rose, mais qui laissait encore entr’apercevoir l’espoir que l’antagonisme aigu entre le père et son fils allait être résolu à l’amiable. C’est même cet optimisme cruellement déçu à la fin qui fait progresser l’histoire, faite d’humiliations et de promesses trahies, dans le mouvement implacable de l’opposition irréconciliable entre les impératifs de l’excellence professionnelle et des attaches familiales en lambeaux. Il y avait en effet de quoi alimenter un mélodrame haut en couleur dans cet avortement pénible de l’amour paternel. La narration presque académique du réalisateur Gilles Legrand nous épargne heureusement des crises de nerfs flamboyantes, pour disséquer sobrement le dysfonctionnement viscéral d’une famille dans un des hauts lieux de la culture viticole de France.
Les deux camps dans cette rivalité atroce ont d’ailleurs de bonnes raisons pour justifier leur comportement abject. Le patriarche fourbe remplit certes misérablement son rôle de père, en enfonçant dès que l’occasion se présente son fiston dans un complexe d’infériorité qui borde à la pathologie psychologique. Mais en tant qu’homme d’affaires et patron d’une entreprise phare dans la profession, il est responsable de trouver la meilleure solution pour pérenniser l’héritage que son père lui a transmis, afin d’assurer de la sorte la survie économique de la vigne. De son côté, Martin n’est pas vraiment le fils indigne qui lapiderait la fortune familiale ou qui chercherait à évincer le père pour s’enrichir personnellement. Dans son attitude de soumission maladive, l’argent n’est point un facteur. Ce faible qui souhaite pourtant faire du bien est davantage motivé par le besoin d’être aimé et d’être reconnu comme autre chose qu’un incapable, tout juste bon à effectuer les tâches les plus ingrates.
Y a-t-il une issue possible à cette situation embourbée depuis des années, qui devient carrément insoutenable à cause de la disparition imminente du confident du père ? La mise en scène ne fait aucun effort pour trouver une réponse toute faite à cette question hypothétique. Elle s’emploie plutôt à observer sans le moindre état d’âme comment les personnages s’entredéchirent méchamment. Aucune noblesse ne persiste ni dans les grands airs du père, ni dans la bonne volonté à la fois maladroite et attachante du fils, une fois que la messe est dite. Du coup, le dénouement auquel le récit revient forcément à la fin du film ne ressemble pas à un acte libérateur, mais au contraire à la conclusion logique d’une histoire dans laquelle il ne peut y avoir que des perdants. Bien entendu, le spectateur ne fait pas partie de ces derniers ! Le jeu de la part d’une distribution fort solide, dépourvu de toute tentative d’embellir les motivations égoïstes des personnages, ainsi que le ton grave de la narration ne visent pas à rendre ce film séduisant. Ils réussissent par contre à nous intriguer, au point de nous fasciner.

Vu le 16 août 2011, à la Salle Pathé François 1er

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Le cinéma français se compose de la même manière que le cinéma américain : d'un côté nous avons la section films d'auteur, et de l'autre la section films commerciaux proprement dite, même si un film reste dans tous les cas un produit marketing conçu pour générer des revenus importants. Le cinéma indépendant américain est le reflet le plus proche de notre cinéma d'auteur. Ces œuvres n'ont pas les mêmes ressources financières que les films des grands studios, mais permettent l'émergence de nouveaux talents (réalisateurs, acteurs) ou permettent à des acteurs de seconds rôles d'accéder à des premiers rôles. Gilles Legrand signe ici son troisième film, après Malabar Princess, La Jeune fille et les loups et surtout celui qui est le plus accompli. Il permet ainsi à trois seconds rôles du cinéma français (Niels Arestrup, Lorànt Deutsch et Patrick Chesnais) de livrer une de leurs plus fortes interprétations.

L’histoire ici contée est assez simpliste et repose sur la lutte entre un père et son fils concernant leur domaine et leur production de vins mondialement réputés. Tout sonne tellement juste dans ce film fort, malgré une fin trop rapidement expédiée et qui laisse des questions en suspens. Reste que la peinture de ce milieu rural sonne tel un film dédié à une mafia, avec le culte du père dirigeant, la montée d’un fils renié et qui se donne corps et âme pour montrer à son père qu’il a encaissé suffisamment de remarques pénibles, et un harcèlement moral et répétitif.

Ce film témoigne qu’un réalisateur français aura toujours plus de finesse pour décrire le milieu agricole français. Loin de la vision d’un vignoble dépeint en 2007 par un Ridley Scott en petite forme dans Une grande année, celle de Gilles Legrand a plus de tenue et surtout semble nettement plus crédible.

Vu le 26 août 2011, au Gaumont Disney Village, Salle 7

Note de Mulder: