Cry Freedom - Le Cri de la liberté

Cry Freedom - Le Cri de la liberté
Titre original:Cry Freedom - Le Cri de la liberté
Réalisateur:Richard Attenborough
Sortie:Cinéma
Durée:151 minutes
Date:23 mars 1988
Note:
En Afrique du Sud, au milieu des années 1970, l'éditeur libéral et blanc Donald Woods fait de son mieux pour donner une tribune à la critique contre la politique de ségrégation raciale du gouvernement. Même s'il condamne l'apartheid, il ne pense pas qu'un changement radical, prôné par l'activiste noir Steve Biko, soit la solution. Après avoir critiqué Biko pour son appel à la violence dans son journal, Woods est invité par cet ennemi de la suprématie blanche à venir le voir afin de découvrir la misère dans la vie quotidienne d'une majorité du peuple sud-africain. De cette rencontre naîtra une amitié qui poussera Woods à prendre plus fermement parti contre le racisme institutionnalisé.

Critique de Tootpadu

L'apartheid n'existe plus en tant que tel depuis plus de dix ans. Son abolition ne signifie évidemment pas que tous les problèmes de l'Afrique du Sud étaient balayés d'un seul coup et que le racisme appartient au passé. Mais la discrimination raciale n'est plus brandie comme un accomplissement et une fièrté nationale et les rapports de force à l'intérieur du pays ont pris avant tout une dimension économique. Cependant, la situation était profondément différente au milieu des années 1980, lorsque cette production britannique essayait de mobiliser encore un peu plus l'opinion publique contre un régime inique.
L'acteur et réalisateur Richard Attenborough aime parfois cultiver sa conscience sociale à travers des oeuvres à fort potentiel polémique. Alors que la plupart de ses douze réalisations à ce jour sont des films de genre solides, comme le spectacle guerrier Un pont trop loin ou la biographie filmique Chaplin, une ambition humaniste surplombe au moins à deux reprises son travail. Après le succès mondial de Gandhi, il n'était logiquement qu'une question de temps avant qu'Attenborough ne reprenne ses gros sabots de moralisateur bienveillant. Et quelle meilleure cible que la discrimination violente de la population sud-africaine par une petite minorité blanche, à une époque où Nelson Mandela prenait racine en prison et où aucune sortie pacifique de la situation ne semblait envisageable !
Les intentions du cinéaste sont en effet nobles, mais leur exécution laisse quelque peu à désirer. Pas vraiment mauvais dans l'ensemble, son film accumule néanmoins les imperfections, à commencer par une prémisse peu claire qui infecte en fin de compte sa structure globale. S'attendre à ce que le destin du peuple opprimé sud-africain soit conté d'un point de vue indigène serait sans doute trop demander d'une production britannique. Mais même l'injustice faite aux millions d'enfants, de femmes et d'hommes enfermés dans les townships n'est au fond que la cause pour laquelle le protagoniste, un blanc progressiste bien comme il faut, peut s'engager corps et âme. La dimension didactique du dispositif narratif, de faire découvrir au spectateur la situation inhumaine en Afrique du Sud à travers les yeux d'un personnage auquel il peut s'identifier facilement, pèse ainsi constamment sur le film. Et elle prend même le dessus à la moitié de la durée conséquente du film, lorsqu'il ne s'agit plus que d'assurer la sortie du territoire de notre héros.
Outre la structure en deux parties préjudiciable, le récit s'égare régulièrement dans des effets narratifs poussifs ou maladroits. Richard Attenborough ne se soucie en effet guère de la finesse dans l'expression cinématographique, lorsqu'il accumule des symboles un peu trop parlants (la ligne sur le pont frontalier) ou quand il essaie de légitimer l'aspect indéniablement banal de la fuite par des retours en arrière émotionnellement chargés. Dans cette course haletante à la manipulation sentimentale, qui était d'ailleurs infiniment plus sincère dans la première moitié malgré ses discours solennels, la bande originale de George Fenton est son meilleur allié contre la baisse de rythme et d'intérêt.
Toutefois, Cry Freedom dispose de qualités au milieu de tous ces désagréments. La plus importante est sans l'ombre d'un doute l'interprétation de Denzel Washington dans son premier rôle important, avant de devenir la vedette planétaire d'une certaine arrogance que l'on connaît aujourd'hui. Son Steve Biko est le coeur et l'âme d'un film qui retombe immédiatement dans la médiocrité dès qu'il quitte l'écran. Les intentions louables que Kevin Kline et la mise en scène tentent d'exprimer avec tant d'application, Washington les incarne presque naturellement, avec une intelligence et une lucidité qui feront de plus en plus défaut à ses rôles suivants.

Revu le 14 juillet 2006, en DVD, en VO
Revu le 20 juin 2011, en DVD, en VO

Note de Tootpadu: