Piel que habito (La)

Piel que habito (La)
Titre original:Piel que habito (La)
Réalisateur:Pedro Almodovar
Sortie:Cinéma
Durée:121 minutes
Date:17 août 2011
Note:
Inconsolable depuis la mort de sa femme, grièvement brûlée dans un accident de voiture, le docteur Robert Ledgard, un éminent chirurgien esthétique, travaille d’arrache-pied à la création d’une nouvelle peau, insensible à toute agression. A l’écart de la communauté scientifique, il mène des expériences sur Vera, une jeune femme dépressive qu’il a enfermée dans sa clinique privée. Alors qu’il est arrivé pratiquement au bout du processus de transformation de Vera en un sosie de sa femme décédée, Ledgard devra affronter les origines funestes de son plan machiavélique.

Critique de Tootpadu

Dans son nouveau film, présenté en compétition au dernier festival de Cannes, le réalisateur espagnol Pedro Almodovar reste entièrement fidèle à lui-même, ou plus précisément au genre de film et au style personnel qu’il a cultivés au fil d’une œuvre d’une consistance à toute épreuve. Parmi les quelques cinéastes dont nous connaissons la filmographie d’une manière approfondie, Almodovar est en effet pratiquement le seul à maintenir un niveau élevé en termes de qualité, tout en faisant progresser avec chaque film la richesse textuelle de son univers. Une telle homogénéité comporte bien sûr toujours le risque de la répétition et de l’absence de chefs-d’œuvre susceptibles de transformer le respect que nous éprouvons depuis longtemps pour Pedro Almodovar en une admiration passionnée. En effet, le parcours du réalisateur est à notre humble avis exempt à la fois de coups de cœur – à une ou deux exceptions près, dont Tout sur ma mère est la plus évidente – et de déceptions. Sa capacité d’associer une forme hautement travaillée à des préoccupations thématiques qui dévient sans modération de ce qui est généralement admis comme convenable et de bon goût lui réservera néanmoins et jusqu’à nouvel ordre une place de choix dans notre cœur de spectateur en quête d’expériences cinématographiques hors du commun !
Après cette déclaration d’amour au cinéma selon Pedro Almodovar, cela nous fait presque de la peine de devoir modérer légèrement notre enthousiasme dans le cas de La Piel que habito. Le sujet en est certes toujours aussi subversif que dans les films précédents du réalisateur, puisqu’il y est une fois de plus question de l’éternelle confusion des genres, de liens familiaux passablement pervers, et du poids du passé trop lourd à porter pour des personnages aux motivations troubles. De même, la forme très soignée du film renvoie directement au mélodrame sirkien et à sa sublimation esthétique, quoique indéniablement ironique, des bassesses que les héros tragiques commettent sans trop de scrupules. Mais l’artifice du cadre et l’entêtement grotesque de l’histoire instaurent une distance entre le récit et le spectateur que le réalisateur avait su maîtriser davantage dans le passé.
Nous restons donc plus admiratifs que réellement touchés par ce spectacle d’une transformation involontaire, dont les prouesses médicales sont diamétralement opposées au bien-fondé éthique de cette opération diabolique. De toute façon, Pedro Almodovar n’a jamais été l’observateur neutre d’une normalité rassurante. Il se délecte plutôt de l’orchestration sophistiquée de pratiques déviantes, qui deviennent en apparence plus acceptables grâce au langage filmique instruit dont il maîtrise les moindres rouages. Sauf que cette histoire-ci est si triviale et qu’elle déborde de tant de pathologies psychologiques et physiques, qu’elle court parfois le risque de ressembler au pastiche exagéré d’un film de Pedro Almodovar, au lieu de marquer une nouvelle étape dans la carrière d’un réalisateur toujours aussi stimulant.

Vu le 8 août 2011, à la Salle Pathé Lamennais, en VO

Note de Tootpadu: