Gamin au vélo (Le)

Gamin au vélo (Le)
Titre original:Gamin au vélo (Le)
Réalisateur: Luc Dardenne, Jean-Pierre Dardenne
Sortie:Cinéma
Durée:87 minutes
Date:18 mai 2011
Note:
Placé par son père dans un foyer pour enfants, le jeune Cyril ne manque pas une occasion pour tenter de s’en évader. Il cherche à retrouver la trace de son géniteur, qui a déménagé sans laisser d’adresse. Lors d’une de ces fugues, il croise Samantha, une coiffeuse qui habite dans son ancien quartier et qui est prête à l’accueillir pendant les week-ends.

Critique de Tootpadu

Le nouveau film des frères Dardenne, récompensé par le Grand prix au dernier festival de Cannes, a beau avoir été tourné en été, ses tonalités et ses décors plus ensoleillés ne changent quasiment rien à la donne sociale à laquelle les réalisateurs belges nous ont habitués. En quelque sorte les derniers vestiges authentiques du néo-réalisme à l’italienne, leurs films sont autant de leçons d’humanité sans fard, qui ne nécessitent pas une mise en scène élaborée ou une intrigue complexe pour émouvoir. La simplicité fait la force de ce Gamin au vélo, dont les deux thèmes majeurs, la quête du père absent et la tentation du crime qui passe – comme dans le classique de Vittorio De Sica – par un vol de bicyclette, sont intrinsèquement liés au mouvement qui tenait compte de la dure réalité dans l’Italie de l’après-guerre.
La précarité dans les cités belges n’est pas forcément d’origine matérielle. Elle se manifeste davantage par le biais d’une misère émotionnelle profonde, encore plus éprouvante quand elle est subie par des enfants, le maillon le plus faible d’une société sans pitié. Ainsi, le jeune Cyril se comporte comme une bête sauvage et abandonnée, guidée par le désir ardent de retrouver son père, qui a d’ores et déjà tourné la page d’une vie antérieure que l’on devine assez misérable et compliquée. La mise en scène des frères Dardenne n’est cependant pas là pour juger cette situation désespérante et désespérée. Elle ne fait qu’enregistrer avec une compassion qui fend le cœur l’incapacité de la cellule familiale de se reconstruire normalement. La véracité et le naturel du geste, aussi banal soit-il, priment alors sur une mise en situation abusivement élaborée, de rigueur dans des films qui s’adonneraient dans des circonstances comparables à un apitoiement outrancier et un misérabilisme grotesque.
Ici, on ne trouve rien de tout cela : pas d’explications interminables sur les motivations des personnages, et pas non plus de morale poussive à tirer du parcours chahuté de Cyril, autre que l’assurance aussi sublime qu’inquiétante que l’instinct parental sera toujours plus fort qu’une quelconque considération sur ce qui est juste. L’engagement altruiste de Samantha est précisément ce qui confère à ce beau film sa cohésion. Sous les traits d’une Cécile De France pour une fois très sobre, elle protège l’enfant qui s’est confié à elle sans raison particulière avec une bienveillance et un naturel, qui sont peut-être le seul aspect trop idéaliste d’un film sinon agréablement dépourvu de poncifs nauséabonds.

Vu le 27 juillet 2011, au Saint-Lazare Pasquier, Salle 3

Note de Tootpadu: