Horizon (L')

Horizon (L')
Titre original:Horizon (L')
Réalisateur:Jacques Rouffio
Sortie:Cinéma
Durée:99 minutes
Date:29 novembre 1967
Note:
En 1917, le jeune Antonin Lavalette rentre du front en permission, pour raison médicale. Touché par un éclat d’obus dans les reins, il se repose pendant un certain temps à la campagne chez ses parents. Ceux-ci ont également recueilli Elisa, la veuve du cousin Emile, tombé au combat. Alors qu’Antonin appréhende chaque nouvelle convocation chez le médecin, qui peut signifier son renvoi dans les tranchées, Elisa aimerait qu’il prenne une position plus ferme par rapport à son engagement militaire ou, au contraire, son refus de s’y soumettre à nouveau.

Critique de Tootpadu

Pratiquement aucun coup de feu n’est tiré dans L’Horizon et l’action ne se déplace jamais jusqu’au champ de bataille, qui devait être particulièrement sanglant en cette fin de la Première Guerre mondiale. Et pourtant, le spectre de la guerre, cette expérience horrible qui marque un homme pour le restant de sa vie, plane comme une chape de plomb sur le premier film du réalisateur Jacques Rouffio. Dans ce drôle de film de guerre, il n’est question ni du pendant, ni de l’après, mais d’un état de suspension précaire et dangereux, où les dernières réserves d’une nation en jeunes hommes aptes à tenir un fusil sont sacrifiées sciemment, alors que la lassitude et l’entrée en guerre des Américains annoncent déjà une fin prochaine des hostilités.
La narration n’a en effet pas besoin de sortir les grands moyens formels pour actionner impitoyablement l’étau qui se resserre autour d’Antonin et ses contemporains. La mise en scène conçoit le film plutôt comme un huis-clos étouffant, où l’attente d’une prolongation de moins en moins probable de la permission a le même effet qu’une épée de Damoclès au-dessus de la tête des blessés légers. Le dilemme inéluctable du protagoniste se situe autant dans sa réticence à prendre une décision en vue d’une éventuelle désertion, que dans la nature de son invalidité physique, moins définitive et handicapante que l’amputation d’un bras ou la perte des facultés mentales. Le véritable problème d’Antonin est toutefois son dégoût définitif de la joie, voire de la volonté de vivre, que même la romance avec Elisa, une femme désinvolte et guère conformiste, n’arrive pas à renverser. La séquelle la plus cruelle de la guerre est bien là, dans l’effacement durable de tout ce qui les rend humains chez ceux et celles qui ont dû voir et entendre ses horreurs de près.
L’économie des moyens dont Jacques Rouffio fait preuve pour conter son premier film compte indéniablement parmi ses points forts, notamment à travers l’instauration d’un malaise persistant dès la première courte séquence, d’avant la guerre, où Elisa se fait corriger par Emile parce qu’elle se moque de son patriotisme. Cette sobriété formelle, à peine effleurée par des figures de style plus représentatives de la Nouvelle Vague tel la fuite en cheval d’Antonin, découpée d’une manière effrénée, laisse un souvenir plus durable que la première apparition anecdotique de la chanson devenue depuis emblématique de Serge Gainsbourg, « Elisa », ou le jeu toujours aussi sensible de Jacques Perrin, qui endosse une fois de plus ici le rôle du jeune premier fragile et hésitant.

Vu le 18 mai 2011, à la Cinémathèque Française, Salle Georges Franju

Note de Tootpadu: