Une séparation

Une séparation
Titre original:Une séparation
Réalisateur:Asghar Farhadi
Sortie:Cinéma
Durée:123 minutes
Date:08 juin 2011
Note:
Au bout de quatorze ans de vie commune, Simin quitte son mari Nader, parce qu’il ne veut pas la suivre à l’étranger, où elle espère offrir un meilleur avenir à leur fille Termeh. Nader se sent obligé de rester en Iran pour soigner son vieux père atteint de la maladie d’Alzheimer. Puisque sa femme a quitté le foyer afin de retourner vivre chez sa mère, il doit engager une aide à domicile, qui s’occupera du vieillard pendant la journée. Son choix se porte sur la belle-sœur d’une connaissance de son épouse, une femme enceinte de quatre mois qui a pourtant des scrupules d’accepter à l’insu de son mari ce travail chez un homme vivant seul. Lorsque Nader la met à la porte au bout de quelques jours parce qu’elle aurait abandonné le malade et volé de l’argent, elle l’accuse de l’avoir poussée dans l’escalier, ce qui aurait entraîné sa fausse couche.

Critique de Tootpadu

Le réalisateur iranien Asghar Farhadi n’est pas un révolutionnaire. Il l’a admis d’ailleurs lui-même lors du dernier festival de Berlin, d’où son troisième film distribué en France est reparti avec la triple récompense de l’Ours d’or et des deux prix d’interprétation, quand on lui a demandé ce qu’il pensait de l’incarcération de ses confrères et des conditions de tournage pas toujours faciles dans son pays. Sa réponse plus qu’honnête revenait essentiellement à admettre qu’il sentait un tel besoin de faire des films, qu’il était prêt à ne pas faire de vagues en échange d’une liberté créative toute relative. Cette connivence apparente avec un régime condamnable cache toutefois mal son goût pour l’exploration de la perversion de l’âme humaine, qui se manifeste avec une intensité grandissante de film en film, bien plus universelle que les pamphlets spécifiquement iraniens les plus subversifs. Juste parce qu’Asghar Farhadi agit plus comme un observateur minutieux et parfois cruel du quotidien de ses compatriotes, qu’en tant que critique de la situation injuste dans laquelle ils vivent, cela ne rend pas ses films moins poignants, bien au contraire.
Au lieu de déclencher le genre de polémique qui va de toute façon toujours dans le même sens, Une séparation est une tragédie fascinante, qui en révèle autant sur le mode de vie traditionnel et le système judiciaire en Iran, qu’elle dissèque sans état d’âme les imperfections inhérentes à la nature humaine. Les audiences devant le juge, tenues selon le principe peut-être archaïque, mais curieusement efficace, de la conciliation, rythment le récit avec un calme stoïque, qui ne minimise pas pour autant les enjeux graves de l’intrigue. Elles procèdent en quelque sorte à la mise à nu de toutes les demi-vérités et autres stratagèmes pour préserver le statu quo du couple en péril que les personnages entreprennent pour tenter de garder la face. Le point névralgique de ce noyau familial en pleine décomposition est sans grande surprise la fille, tiraillée entre ses parents aux projets inconciliables. Sauf que le scénario met d’abord l’accent sur le vieil homme dépendant, avant de revenir au détour du fait divers qui ne crée que des perdants à l’aspect le plus sombre du film : la perte définitive de l’innocence de Termeh, qui doit endurer un passage à l’âge adulte particulièrement rude et traumatisant.
La mise en scène très sobre souligne admirablement la dimension humaine de cette histoire, qui – entre des mains moins adroites – n’aurait pu être qu’un enchaînement banal d’engueulades et de mises en question sans conséquences. Les moments les plus intenses émotionnellement parlant surviennent ainsi sans prévenir, et sans une mise en image particulièrement insistante, tel l’éclat en sanglots de Nader quand il lave son père à côté de la baignoire. Ce sont ces rares instants où les masques ont le droit de tomber, qui confèrent toute sa pertinence sociale et sa noblesse à ce film, le plus abouti de son réalisateur à ce jour !

Vu le 30 mars 2011, au Club de l'Etoile, en VO

Note de Tootpadu: