Boxing gym

Boxing gym
Titre original:Boxing gym
Réalisateur:Frederick Wiseman
Sortie:Cinéma
Durée:92 minutes
Date:09 mars 2011
Note:
A Austin, dans l’état du Texas, l’ancien boxeur professionnel Richard Lord tient depuis plus de quinze ans un club de boxe. A Lord’s Gym, des amateurs et des sportifs professionnels venus de tous les milieux sociaux s’entraînent. Que ce soient de jeunes mères de famille qui emmènent leurs bébés, des adolescents en quête d’assurance, ou de vieux champions qui rêvent d’un ultime combat pour prouver leur valeur dans le ring, ils pratiquent tous la boxe avec un dévouement et une discipline de fer.

Critique de Tootpadu

Une structure narrative classique n’a jamais été au cœur des préoccupations artistiques du réalisateur Frederick Wiseman. Ses documentaires ne poursuivent jamais une finalité dramatique établie dès le départ, qui aboutirait à une mise en cause militante des dysfonctionnements de tel ou tel microcosme social. Sa démarche consiste plutôt à s’imprégner des lieux et à transmettre au spectateur, par le biais d’une caméra posée à l’endroit qui prend en compte un point de vue proprement cinématographique, l’âme de cet endroit et des personnes qui le fréquentent, volontairement ou par obligation. Les films du réalisateur sont en quelque sorte des tranches de vie, dans le meilleur sens du terme, puisqu’ils se contentent d’enregistrer la réalité comme elle se présente, au lieu de la soumettre au cahier de charges d’un combat politique ou social.
Boxing gym ne déroge point à la règle, puisque il montre essentiellement un groupe de sportifs anonymes en train de s’adonner à l’exercice de la boxe. Bien que certains des abonnés du club réintègrent de temps en temps le flux narratif étrangement fascinant du documentaire, leur histoire personnelle n’a pas vraiment d’importance pour l’ensemble plus abstrait du film. Ils participent plus à la mosaïque de ce temple méconnu de la boxe à travers leur présence et leur acharnement physique, que par le biais des conversations en marge des rings ou des machines de musculation, aussi anodines que celles que l’on peut entendre dans les clubs de remise en forme français. De ce point de vue, l’essence du documentaire se trouve dans la sublimation du geste répétitif, de ce mouvement qui ne vise que rarement un adversaire humain, mais qui s’évapore le plus souvent dans l’air ou dans une machine d’entraînement qui vibre impassiblement au rythme des coups et des esquives qu’elle doit parier par milliers.
Au lieu d’exalter le sacrifice du boxeur qui tient à peine sur ses jambes jusqu’au gong du dernier round ou de suivre l’ascension d’un débutant, Frederick Wiseman orchestre un ballet de boxeurs de l’ombre, anonymes et modestes, mais incroyablement investis dans ce sport qui leur coûte beaucoup de transpiration et peut-être aussi un peu d’inspiration, à force de se faire taper sur la tête. Il en résulte un mélange pas sans intérêt entre l’admiration pour ces amateurs passionnés et une sensation de suffocation à cause du confinement aux locaux plutôt exigus du gymnase, dont la caméra ne sort qu’à la toute fin avec quelques vues du panorama urbain d’Austin. Cette bouffée d’air finale pourrait bien signifier que les personnes qu’on a observées depuis plus d’une heure sont trop concentrées sur l’activité après tout nombriliste de l’entraînement de la boxe, de surcroît dépourvue le plus souvent de débouchés tangibles.

Vu le 21 janvier 2011, au Club de l'Etoile, en VO

Note de Tootpadu: