
Titre original: | Somewhere |
Réalisateur: | Sofia Coppola |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 98 minutes |
Date: | 05 janvier 2011 |
Note: | |
Alors qu’il est en pleine promotion de son nouveau film à Hollywood, le célèbre acteur Johnny Marco doit s’occuper de Cleo, sa fille de onze ans. Même s’il la garde uniquement pour quelques jours, avant qu’elle ne parte en colonie de vacances, ce séducteur invétéré éprouve du mal à jongler entre ses aventures sans lendemain, ses obligations professionnelles, et son rôle de père trop souvent absent.
Critique de Tootpadu
Dans son quatrième film, récompensé au dernier festival de Venise par un Lion d’or qui risque de garder encore pour longtemps l’arrière-goût déplaisant du copinage, Sofia Coppola parle enfin d’un sujet qu’elle devrait connaître intimement. Il serait sans doute exagéré de vouloir déceler coûte que coûte des traces autobiographiques dans cette histoire de la relation problématique entre une vedette de cinéma et sa fille au début de l’adolescence. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que l’enfance de la réalisatrice dans les années 1970, pendant que son père a été un des rois incontestés de Hollywood, a dû laisser des séquelles qui ont au moins pu servir de point de départ à ce portrait au vitriol et en même temps étrangement intimiste de la Mecque du cinéma américain.
Somewhere ne s’attaque pas aux dérives de la machine hollywoodienne à travers un ton mordant. Le regard que Sofia Coppola porte sur le groupe social auquel elle appartient depuis sa naissance ne s’inscrit guère dans la tradition d’un Robert Altman, l’enfant terrible qui était généralement exclu de la table des grands. La réalisatrice explore plutôt la marge formelle qu’elle a su s’approprier depuis ses débuts derrière la caméra il y a douze ans, c’est-à-dire un mélange très personnel entre des aspirations artistiques et esthétiques fortes et des histoires à l’accent mélancolique marqué. L’action est par conséquent aussi peu au centre de ce film envoûtant qu’une description réaliste du quotidien en haut de la pyramide des professionnels du Septième art.
L’existence de Johnny Marco s’y résume à quelques impressions superficielles. La répétition de la danse lascive et le fait de tourner en rond dans sa voiture ostentatoire dès le premier plan sont autant de détails qui instaurent d’emblée un sentiment de vacuité, voire de vanité. Jusqu’à la fin, cet acteur à succès ne saura rompre le cercle vicieux de son style de vie, qui consiste en gros à faire la fête, à coucher avec toutes les belles femmes qu’il croise, et à se prêter à la litanie plus ou moins dégradante des passages obligés pour un comédien de son statut. Cet homme creux ne paraît point se préoccuper de la progression sans but précis de sa vie. Et le scénario de Sofia Coppola nous épargne heureusement tout sursaut de conscience salutaire, qui se solderait soit par une décision tragique, soit par une acceptation de ses responsabilités de père et d’homme adulte.
Pourtant, c’est justement l’absence de ce recentrage dramatique qui rend le film un peu trop vague et éthéré à notre goût. Bien qu’il tente d’établir un lien avec sa fille qui dépasserait le simple partage de jeux, le protagoniste, interprété avec une nonchalance désemparée par un Stephen Dorff sidérant, est incapable de toucher à la racine de son existence déglinguée. Ainsi, les dernières minutes du film donnent certes l’espoir d’un départ vers de nouveaux horizons, mais le comportement passif et inconsistant de Johnny Marco jusque là – avec comme point d’orgue de lâcheté l’aveu fait à sa fille noyé par le bruit de l’hélicoptère – le reconduira sans doute prochainement vers une rechute dans ses habitudes de tombeur de filles seul et sans substance.
Vu le 9 janvier 2011, au Max Linder, en VO
Note de Tootpadu: