
Titre original: | Harry Brown |
Réalisateur: | Daniel Barber |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 103 minutes |
Date: | 12 janvier 2011 |
Note: | |
Harry Brown, un ancien marine à la retraite, vit seul dans son appartement d’une cité défavorisée de Londres. Il passe ses journées à rendre visite à sa femme Kath qui agonise à l’hôpital, ou bien à jouer aux échecs avec son vieil ami Leonard. Après le décès de son épouse, il se sent seul et vulnérable, un sentiment encore exacerbé quand Leonard est retrouvé mort, lynché par les jeunes voyous du quartier, qui le persécutaient depuis un certain temps. Face à l’impuissance de la police, plus préoccupée par des histoires de drogues que par le meurtre d’un vieillard, Harry Brown entreprend à son compte une croisade contre les caïds de sa cité.
Critique de Tootpadu
Rien ne va plus dans les cités anglaises. Depuis longtemps, la barbarie, sous forme d’une violence gratuite, voire récréative, y a pris le dessus sur le respect des lois et de l’autre. Un tel déclin des valeurs civilisées n’est certes pas spécifique à nos seuls voisins d’outre-Manche, puisque des méfaits comparables sont à signaler en France, au plus tard chaque fois qu’une étincelle met le feu aux poudres pour voir la banlieue s’embraser. Mais le cinéma français a délaissé en grande partie ces coins problématiques de notre beau pays, dans le même mouvement de lâcheté et de résignation, qui incite les pouvoirs publics à n’y entrer sporadiquement qu’avec des matraques pour faire semblant de rétablir l’ordre dans une sorte de guerre urbaine sans vainqueur possible. Le premier film du réalisateur Daniel Barber n’y va pas par quatre chemins pour accuser une jeunesse désœuvrée et sadique de tous les maux de la société anglaise. Faute de proposer ne serait-ce que la moindre issue pédagogique à cette situation intenable à la longue, Harry Brown a au moins le mérite de décrire sans fard l’état d’esprit nihiliste qui gangrène les marges de notre société.
Comme Clint Eastwood dans Gran Torino, le personnage que Michael Caine interprète ici avec une souveraineté incommensurable préfère d’abord se tenir à l’écart de toute altercation potentielle avec la racaille, qui fait régner sa loi dans les points névralgiques de son environnement social, tel le passage souterrain. La transition du rôle d’observateur à celui de justicier auto-proclamé, dans la plus pure tradition de Charles Bronson, se fait presque par accident, et sans qu’elle ne soit motivée par un élan protecteur envers des proches livrés aux abus des jeunes délinquants. Rapidement, Harry Brown devient une machine à tuer aussi irascible et crépusculaire que ses adversaires, pervertis par une mise en scène et une valorisation cruelles de la violence, à l’image de la vidéo qui ouvre avec fracas le film pour y instaurer d’emblée un ton lourdement menaçant.
La narration orchestre parfois le long carnage d’un homme à première vue respectable avec des moyens esthétiques proches d’une bande dessinée apocalyptique. L’aspect formel du film, sombre et nullement enclin à chercher d’éventuels vestiges de beauté dans la désolation des décors, enfonce durablement une sensation de désespoir infini dans l’esprit du spectateur, simultanément en proie à son message dangereusement réactionnaire. Car aussi maîtrisée et recherchée la réalisation de Daniel Barber soit-elle, elle n’arrive aucunement à relativiser le bagage idéologique douteux d’un film, qui se fait d’une certaine façon le chantre d’une justice expéditive, encore plus condamnable que les méfaits sauvages des jeunes malfaiteurs, puisqu’elle cherche à se faire passer pour la rescousse ultime et redoutablement efficace d’une société déjà au-delà de tout espoir de rédemption.
Vu le 3 janvier 2011, au Club de l'Etoile, en VO
Note de Tootpadu: