Chemins de la liberté (Les)
Titre original: | Chemins de la liberté (Les) |
Réalisateur: | Peter Weir |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 133 minutes |
Date: | 26 janvier 2011 |
Note: | |
En 1941, le Polonais Janusz est condamné par l’occupant russe pour espionnage et envoyé dans un goulag au fin fond de la Sibérie. Les conditions de vie y sont difficiles et Janusz ne pense qu’à une chose : s’enfuir. Alors que l’acteur Khabarov le soutient d’abord dans son plan d’évasion, c’est finalement avec l’Américain Mister Smith, le criminel russe Valka, et quatre autres compagnons d’infortune qu’il franchît le pas. Une fois en liberté, les anciens prisonniers entament une longue marche vers le sud, où la Mongolie est censée leur accorder un refuge contre la persécution forcenée des communistes de Staline.
Critique de Tootpadu
Ce n’est certainement pas d’un retour en force qu’il s’agit avec ce nouveau film de Peter Weir, sept ans après le majestueux Master and commander De l’autre côté du monde, mais plutôt d’un exercice de style, dont les défauts manifestes entachent la facture globale de ce film d’évasion somme toute très conventionnel. A commencer par le préambule qui nous indique clairement combien de réfugiés vont s’en sortir et arriver jusqu’au bout de leur périple. Une fois cette source majeure de suspense et de tension dramatique écartée, il ne reste plus au spectateur qu’à tenir ses comptes pour savoir quand l’élimination des voyageurs malheureux sera arrivée à son terme. De même, l’évasion du camp d’internement en elle-même est contée d’une façon si approximative et succincte, qu’aucune poussée d’adrénaline n’en résulte.
Au lieu de privilégier des moments d’un héroïsme fort, la narration de Peter Weir paraît s’installer dans la durée. Elle préfère ainsi instaurer la complicité avec les fuyards par de courtes scènes au dénouement pas toujours satisfaisant, à la place d’une identification poussive avec les personnages emblématiques par le biais d’exploits exemplaires. Si ce n’était pour Irena, dont la présence douce délie la langue des hommes, nous n’en saurions pas plus sur le destin et les motivations de ce groupe hétéroclite. De toute manière, il n’est apparemment pas déterminant dans le schéma narratif des Chemins de la liberté de se familiariser avec chacun des évadés, mais d’apprécier à sa juste valeur leur courage et leur persévérance dans cette odyssée éprouvante à travers le froid glacial de la Sibérie et la chaleur étouffante du désert mongolien. Leur camaraderie se développe ainsi principalement à cause de la souffrance et de l’abnégation qu’ils partagent, et non pas en raison d’une appréciation personnelle ou d’une solidarité face à un adversaire hypothétique, qui entre au demeurant très rarement en scène. Ce sont des hommes déterminés, obligés d’aller de l’avant parce qu’une morte certaine les attendra s’ils reviennent sur leurs pas.
Porté par un souffle à peu près épique, le film nous renvoie aux aventures cinématographiques des années 1950. Déjà à l’époque, le côté obscur de la nature humaine – comme la tentation de s’adonner au cannibalisme pour calmer une faim dévorante – était éclipsé par une vision plus idéaliste des choses. A quelques mensonges et engueulades près, aucun contretemps sérieux ne vient ainsi perturber le fonctionnement du groupe qui poursuit avant tout un but commun. Une fois que ce dernier est atteint, les liens étroits se défont et seul le protagoniste poursuit sa route à travers les décennies, jusqu’à obtenir la satisfaction de son vœux le plus cher : pardonner à sa femme qui l’avait dénoncé sous la torture. Difficile de faire plus valeureux, mais en même temps la bonté des personnages – y compris le criminel russe dont le côté un peu fou avec lequel le joue Colin Farrell lui confère un aspect délirant, voire comique, au lieu d’en faire une menace – atténue considérablement l’intensité du récit.
En dépit de toutes ces limitations gênantes, Les Chemins de la liberté se démarque positivement par son refus de tout pathos et l’attachement louable à une certaine véracité linguistique. Alors que les personnages étrangers commencent comme par miracle à parler anglais au bout d’un certain temps dans la plupart des films américains, la transition est entamée d’une manière infiniment plus crédible ici. Elle sait en plus préserver l’identité nationale de chacun tout au long du film. Ce n’est là qu’un des aspects indicateurs de la solidité de cette aventure, qui aurait cependant pu être tellement plus passionnante si Peter Weir avait adopté un style plus vigoureux.
Vu le 13 décembre 2010, à la Cinémathèque Française, Salle Georges Franju, en VO
Note de Tootpadu: