Il reste du jambon ?

Il reste du jambon ?
Titre original:Il reste du jambon ?
Réalisateur:Anne Depetrini
Sortie:Cinéma
Durée:92 minutes
Date:27 octobre 2010
Note:
Après avoir consommé pour les besoins d’un reportage des croquettes destinées à la fois aux hommes et aux chiens, la journaliste de télé Justine Lacroix est admise à l’hôpital avec une réaction allergique. Même avec un visage bouffi, le médecin urgentiste Djalil Boudaoud la trouve charmante. Il faudra toutefois une deuxième intoxication accidentelle pour qu’il ose franchir le pas et lui prescrire un dîner en tête-à-tête. Le coup de foudre entre Justine et Djalil est alors immédiat et réciproque. Plus rien n’empêcherait leur bonheur romantique, si ce n’était pour la différence d’origines entre cette fille de bonne famille et ce médecin né à Nanterre, d’origine algérienne.

Critique de Tootpadu

Tout le monde n’a hélas pas la même sensibilité et la même doigté filmique que Roschdy Zem pour réussir une comédie sur les a priori persistants entre les différentes communautés qui constituent le visage cosmopolite de la France moderne. Même Stanley Kramer, le grand-père des films bien intentionnés sur les romances mixtes au sens large, ne s’y était pas pris d’une façon aussi gauche et indigeste avec Devine qui vient dîner … que la réalisatrice Anne Depetrini dans son premier film hautement pénible ! Sur une trame fort semblable à celle de Mauvaise foi, elle cherche en vain à apporter sa touche au débat sur les conséquences à long terme de l’immigration. Le choc entre les cultures auquel le couple au cœur de son film doit résister ressemble ainsi plus à un amas de clichés nauséabonds qu’à une confrontation éclairée aux problèmes que la société française préfère ignorer, plutôt que de chercher une solution progressive, favorable à tous.
La mise en scène pratiquement inexistante, qui n’intervient que pour noyer les points névralgiques de la structure dramatique de Il reste du jambon ? dans des morceaux de musique assez déplacés, s’avère en effet impuissante contre le flux ininterrompu de mauvaises idées dont le scénario regorge. L’humour plus que douteux du film est tout aussi inefficace, lorsqu’il s’agit de contrecarrer tant soit peu la vision caricaturale, voire manichéenne, que cette comédie navrante cherche à colporter de la France et de son communautarisme étanche. Pas assez du fait que strictement rien ne sonne juste ici et que les vannes tombent invariablement à plat, le projet initial, que l’on espère au moins passablement optimiste, est sans cesse torpillé par le ton forcé et des revirements nullement crédules, jusqu’à perdre toute relevance sociale et morale. Longtemps avant que la névrose du personnage féminin principal ne se déclare à travers la fabrication d’une robe de tranches de charcuterie – sans doute la séquence la plus affligeante du film –, le récit tendancieux et lourd nous a ôté le moindre espoir de voir les deux amoureux finir indemnes ce désastre cinématographique.
Entouré de sa compagne à la ville derrière la caméra et de son complice de toujours Eric Judor dans un petit rôle ingrat, dont le côté comique ne sied absolument pas au racisme revendiqué de son personnage de vigile, le comédien Ramzy Bedia échoue donc misérablement dans sa première tentative de sortir du carcan de la comédie débile. Le constat est cependant sensiblement plus défavorable ici qu’à l’égard de ses divertissements crétins, à cause de l’habit trompeur de la tolérance avec lequel il affuble son film, qui est dans le meilleur des cas une occasion affreusement gâchée pour œuvrer à l’ouverture d’esprit de toutes les souches et toutes les générations d’une société française sclérosée de l’intérieur.

Vu le 9 novembre 2010, à l’UGC Ciné Cité La Défense, Salle 4

Note de Tootpadu: