Innocents (Les)

Innocents (Les)
Titre original:Innocents (Les)
Réalisateur:André Téchiné
Sortie:Cinéma
Durée:94 minutes
Date:23 décembre 1987
Note:
Jeanne a quitté pour la première fois sa ville natale dans le nord, afin d’assister au mariage de sa sœur dans le sud de la France. Sa véritable motivation pour le voyage est cependant d’y retrouver son petit frère Alain, sourd et muet, et de le ramener avec elle. Alors que son autre sœur voudrait bien se débarrasser du jeune homme irascible, celui-ci s’est lié d’amitié avec Saïd, un voyou qui prévoit de s’exiler en Algérie, le pays de ses ancêtres. Quand Alain fait une fugue, le professeur Klotz est le seul à savoir comment le retrouver. En allant chez lui, Jeanne y fait la connaissance de son fils Stéphane, convalescent d’une agression dont il est tombé victime six mois plus tôt. De moins en moins convaincue de pouvoir raisonner Alain, elle ne tarde pas à tomber sous le charme du jeune homme ténébreux.

Critique de Tootpadu

Pour l’instant située en plein cœur de l’œuvre de son réalisateur, avant que celui-ci ne soit amplement plébiscité par le public et la critique au début des années 1990 et après une décennie de travail déjà riche en films singuliers, cette tragédie explore quelques motifs chers à André Téchiné, tout en restant fidèle à son style insistant. Sous le soleil brûlant d’un décor méditerranéen que ses films ont occupé à plusieurs reprises, l’intrigue s’articule autour d’un groupe de personnages aux blessures plus ou moins apparentes, qui cherchent sans succès à se soustraire à l’emprise du destin et de leurs sentiments pas toujours avouables. Un accent théâtral notable pèse en effet sur Les Innocents, qui trouve une expression saisissante en termes cinématographiques lors de la séquence la plus visuellement réussie du film, quand Jeanne, Stéphane, et Saïd se croisent pour la première fois en ombres chinoises dans la salle de concert vide.
Avant et après, l’emphase du ton qui nous fait constamment redouter le surgissement du drame dans ce microcosme peuplé d’individus las de vivre empêche de telles envolées poétiques. La narration d’André Téchiné est certes trop sophistiquée et subtile pour s’abaisser au niveau d’une emphase pompeuse ou d’une prémonition lourdement fataliste. Mais son approche en mode lugubre d’une sélection large de sujets sociaux, comme le handicap, les couples mixtes, l’homosexualité, le racisme et la xénophobie, étouffe d’emblée toute possibilité d’une bouffée d’air frais formelle et d’une considération de l’humanité autrement qu’à travers le prisme tortueux du scénario à forte connotation tragique.
Même la fascination pour les corps dénudés de beaux jeunes hommes dont la caméra tombe pratiquement amoureuse – une autre constante dans l’œuvre d’André Téchiné, conjuguée ici par le biais de deux acteurs à l’avenir diamétralement opposé, puisque le premier, Abdellatif Kechiche, est depuis devenu un cinéaste reconnu, tandis que le deuxième, Simon De La Brosse, avait mis fin à ses jours dix ans plus tard – ne permet pas à ce film de s’affranchir d’une torpeur accablante, qui n’est sans doute pas complètement involontaire de la part d’un réalisateur, abonné fidèle au vague à l’âme.

Vu le 20 mars 2011, à la Cinémathèque Française, Salle Georges Franju

Note de Tootpadu: