
Titre original: | Allez raconte ! |
Réalisateur: | Jean-Christophe Roger |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 78 minutes |
Date: | 20 octobre 2010 |
Note: | |
Laurent est un père dévoué, qui n’aime rien de plus au monde – à l’exception des crêpes de sa femme Brigitte – que de raconter le soir des histoires inventées de toutes pièces à ses enfants Pierre et Jeanne. Pour mettre encore plus en valeur le talent de conteur de leur papa, ces derniers l’ont inscrit, à son insu, à un concours télévisé, qui désignera les meilleures histoires racontées au pied du lit. Pas le temps de se préparer, puisque l’émission se déroulera en direct le lendemain. Mort de trac, Laurent s’y rend néanmoins pour faire plaisir à ses enfants, même s’il lui reste un scénario à finir avant la fin du week-end pour son patron exigeant, Monsieur Beauregard. Avec horreur, il découvre qu’Eric, son collègue fourbe et revanchard, fait également partie des participants au concours.
Critique de Tootpadu
Raconter des histoires à ses enfants avant le coucher, cela a quelque chose de si naïvement anachronique en notre temps soumis aux gadgets électroniques et informatiques pour les petits dès leur plus jeune âge, que nous ne pouvons qu’être subjugués par le point de départ de ce film d’animation français, d’après la bande dessinée de Lewis Trondheim et José Parrondo. Alors que la plupart des adultes paraissent avoir déclaré forfait sur leur imagination et qu’ils se laissent au mieux obliger à faire de temps en temps de la lecture à leurs chers bambins, le talent débordant du personnage principal de Allez raconte !, toujours empressé de répondre présent aux demandes de son public exigeant, s’avère particulièrement désarmant. Ce même recours aux moyens du bord – qui peuvent déboucher parfois sur des résultats plus sophistiqués que ceux d’une facture plus recherchée – est aussi à l’œuvre dans l’animation. Tandis que les productions américaines ne jurent plus que par des effets tapageurs et le calcul par ordinateur de la moindre couleur et des moindres mouvements, l’équipe du réalisateur Jean-Christophe Roger reste fidèle à l’esthétique très rudimentaire de l’univers d’origine de Laurent et de sa progéniture.
Hélas, ce pied de nez d’une fraîcheur fort agréable à la perfection sans âme et sans imagination made in Hollywood se fait un peu trop rapidement rattraper par les impératifs d’une intrigue plutôt laborieuse. L’ironie avec laquelle le scénario aborde le sujet des concours télévisés, au moins autant sollicités par le public de nos jours que les émissions de télé-réalité, n’arrive en effet pas à se maintenir tout au long des différentes étapes d’élimination. L’innocence gauche que Laurent déploie pour charmer son auditoire familial semble ainsi déplacée, voire caricaturale, dans le cadre d’un plateau de télé aux règles assez cyniques. Constamment malmené par son ennemi de toujours Eric et désemparé par la pression de remporter le premier prix, le pauvre père si bienveillant et serviable perd beaucoup de son charme dans cet environnement peu accueillant. De même, le regard satirique avec lequel le scénario cherche par exemple à tirer en dérision les différents styles de musique populaire à travers les jingles qui rythment l’émission – histoire de fournir quelques références culturelles adultes pour éviter aux parents venus accompagner leurs enfants pour voir ce film de trop s’ennuyer – ne s’accommode guère avec la bonté sans arrière-pensée qui pousse Laurent à se dépasser pour sa famille. Et le traitement moqueur des films en relief n’est pas non plus assez mordant pour permettre à cette production traditionnelle de se démarquer positivement de l’évolution récente du marché de l’animation. Tout ceci ne serait pas si grave, si la trame narrative ne s’engageait pas à son tour dans une déroute comparable, pour ne plus ressembler à grand-chose vers la fin.
La prémisse chaleureuse du film s’effrite donc bien trop rapidement, pour se dresser en une alternative sociale et économique viable contre le rouleau compresseur du tout numérique. Les bonnes intentions manifestes du réalisateur et une intrigue malgré tout divertissante ne suffisent ainsi pas pour concrétiser réellement le potentiel ludique du film, au point que l’on se demande si sa vision incitera davantage son jeune public à solliciter ses parents pour raconter des histoires faites maison ou bien – ce qui est malheureusement plus probable – à regarder encore plus d’émissions de jeux à la télé ?
Vu le 6 octobre 2010, au Club Marbeuf
Note de Tootpadu: