
Titre original: | Lilith |
Réalisateur: | Robert Rossen |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 108 minutes |
Date: | 20 janvier 1965 |
Note: | |
Le jeune vétéran Vincent Brice postule dans sa ville natale pour le poste de soignant à Poplar Lodge, un asile psychiatrique privé. Sans formation dans le domaine médical, il espère cependant pouvoir aider les patients plus ou moins atteints. Son attention se tourne rapidement vers Lilith, une jeune femme renfermée sur elle, qui joue la flûte et qui a inventé sa propre langue pour converser avec sa famille imaginaire. Alors que Brice fait progressivement ses preuves au sein de l’établissement, Lilith sort grâce à lui de son isolation.
Critique de Tootpadu
Le dernier film du réalisateur Robert Rossen est indubitablement un produit de son temps. Ce qui ne veut pas du tout dire que le passage des décennies ne l’a pas considérablement vieilli, à la fois du côté de ses préoccupations psychologiques et plus bêtement dans sa constitution physique, puisque la copie projetée était dans un piteux état. Les incursions filmiques dans les hôpitaux psychiatriques allaient connaître leur apogée une dizaine d’années plus tard, avec Vol au dessus d’un nid de coucou de Milos Forman. Auparavant, les tentatives pour sonder en milieu hospitalier les dysfonctionnements de l’esprit humain avec une caméra s’inspiraient plus ou moins finement de l’enseignement de Sigmund Freud, dont la biographie filmique entreprise par John Huston était par ailleurs sortie deux ans avant Lilith. Depuis notre point de vue contemporain, passablement plus éclairé en la matière, ces films pèchent par leur approche invariablement bien intentionnée, mais tributaire jusqu’à l’asphyxie de l’obligation tacite d’extérioriser les troubles mentaux des personnages par le biais de symboles lourds de sens.
Ce film-ci n’est point une exception à la règle, puisque la main pesante de Robert Rossen s’évertue à mettre régulièrement la folie douce des patients en rapport avec l’eau. Des chutes tonitruantes aux réflexions des promeneurs, les images parlantes et joliment photographiées par Eugen Schüfftan ne manquent pas pour nous indiquer les tourments psychologiques du personnage-titre. L’analyse ne va cependant jamais plus en profondeur que lors des séquences affublées d’un semblant de montage mental, à moins que l’autre dispositif formellement encombrant de l’image superposée – lui aussi employé à satiété – ne soit censé remplir ce rôle faussement thérapeutique. Les explications théoriques de la schizophrénie se résument à deux ou trois réunions de travail, elles aussi considérablement datées dans leur objectif et leur mode opératoire. Bref, l’ensemble du volet psychologique du film s’avère sensiblement dépassé, au point qu’il prend dans le meilleur des cas la fonction de dateur à une époque qui n’a plus grand-chose à voir avec la nôtre, par rapport au traitement filmique et médical des malades mentaux.
L’intérêt principal du film réside plutôt dans l’exploration des tourments du personnage en apparence normal, interprété avec une ambiguïté saisissante par un tout jeune Warren Beatty, encore au début de son brillant parcours, tout comme Peter Fonda et Gene Hackman. Alors que rétrospectivement notre vision du film risque d’être faussée par l’influence indirecte du récent Shutter island de Martin Scorsese, la présence de Vincent Bruce dans une clinique, où ses propres problèmes psychologiques lui sont constamment rappelés, et son attitude peu décidée et observatrice ouvrent la voie à des pistes d’interprétation bien plus stimulantes que la névrose caricaturale de sa séductrice. Les indices pour apparenter l’intrigue fortement décousue de ce film-ci au périple manipulateur de Teddy Daniels existent bel et bien, comme la ressemblance entre les noms de Bruce, le soignant au passé trouble, et Brice, la directrice de l’hôpital, ou ce retour au bercail final, hélas mutilé par l’état assez catastrophique de la copie.
Probablement, les intentions du scénario de Robert Rossen se situent davantage dans l’exposition de la fragilité mentale de tout un chacun, avec en sourdine la requête – tout à fait honorable et omniprésente dans ces incursions à finalité pédagogique et sociale dans les institutions fermées – d’une moindre discrimination des occupants des maisons de fous. Le jeu assez fin du jeune premier Warren Beatty, dont la force intérieure se trouve aux antipodes de la détermination forcenée du personnage interprété par Leonardo DiCaprio, confère toutefois une subtilité presque trop sophistiquée à ce film, qui se complaît la plupart du temps dans la description insistante et formellement surchargée de l’incertitude existentielle du personnel soignant et des patients.
Revu le 6 novembre 2010, à la Cinémathèque Française, Salle Georges Franju, en VO
Note de Tootpadu: