Wall Street L'Argent ne dort jamais

Wall Street L'Argent ne dort jamais
Titre original:Wall Street L'Argent ne dort jamais
Réalisateur:Oliver Stone
Sortie:Cinéma
Durée:133 minutes
Date:29 septembre 2010
Note:
Sept ans après avoir purgé sa peine de prison, Gordon Gekko fait de nouveau parler de lui, à travers son livre « L’avidité, est-ce bien ? ». Le climat économique a toutefois changé depuis que Gekko était le roi des traders à Wall Street. Le fonds d’investissement Keller Zabel est en train de couler, à cause de ses investissements spéculatifs hasardeux, entraînant dans sa chute son patron et fondateur Louis Zabel, le mentor du jeune trader Jake Moore. Celui-ci est sur le point de demander Winnie, la fille de Gordon Gekko, en mariage. Il espère se venger pour l’offre publique d’achat hostile sur sa banque, en fréquentant le père de sa fiancée. En échange de la promesse de rétablir le contact entre Winnie et son père, Jake obtient de ce dernier des informations, qui lui permettent de remonter jusqu’à la source des rumeurs ayant causé la ruine de Keller Zabel : Bretton James, un des dirigeants de la banque d’investissement qui avait racheté son concurrent en faillite.

Critique de Tootpadu

Vingt-trois ans après avoir été le symbole effrayant de l’avidité des traders élevés à la philosophie économique de Ronald Reagan, Gordon Gekko est de retour pour tirer profit de la plus grande crise financière depuis près d’un siècle. Il a dû laisser quelques plumes en prison et le passage du temps n’a pas vraiment été bienveillant avec lui, ni avec la carrière du réalisateur Oliver Stone. La grande époque du bling-bling des requins de Wall Street et des contes passionnants sur la paranoïa américaine est en effet loin derrière nous, sans que l’évolution des mœurs qui a eu lieu depuis sur le marché de l’argent en particulier, et dans une société passée par le broyeur de la révolution numérique en général, ne soit reflétée d’une manière percutante dans cette suite très inégale.
La confrontation entre le héros visqueux de l’argent facile et le contexte économique actuel, où des milliards de dollars se baladent avec une facilité proprement perverse, y aurait pu être davantage qu’un prétexte opportuniste pour tenir compte de l’apocalypse économique à laquelle notre civilisation a échappé de justesse. Hélas, le scénario péniblement indécis, entre le versant mélodramatique des déboires familiales de Gordon Gekko et son futur gendre et les bouleversements majeurs que le microcosme de Wall Street a connus récemment et dont le film se veut un reflet lucide, n’est guère tiré vers le haut par la mise en scène d’Oliver Stone.
En quelque sorte, le réalisateur de Wall Street se trouve dans la même situation que son confrère Francis Ford Coppola avec Le Parrain 3ème partie il y a vingt ans. L’obligation de ressusciter une recette à succès très longtemps après la consécration initiale, pour des raisons pas étrangères aux intérêts mercantiles des producteurs, débouche dans les deux cas sur une resucée mineure de la formule originale. Dans l’un comme dans l’autre, il y est question de la réconciliation familiale, remise auparavant à plus tard à cause de l’ambition dévorante du père criminel, et les deux personnages au cœur de ces sagas emblématiques, Michael Corleone et Gordon Gekko, ont perdu beaucoup de leur mordant en ce crépuscule de leur vie respective. Tandis que le dernier chapitre de l’épopée de la mafia a su gagner ses lettres de noblesse grâce à son rapprochement au souffle majestueux de l’opéra, la suite des manœuvres louches du personnage interprété par Michael Douglas ne donne à aucun moment l’impression de savoir où elle veut en venir. Pendant que Gordon Gekko n’est que l’ombre de lui-même, un vieillard nostalgique en quête de la rédemption dans les yeux de sa fille, qui subit in extremis les deux revirements scénaristiques les plus aberrants au fil d’une intrigue qui n’est pourtant pas avare en changements abrupts de rythme et de ton, la nouvelle génération se cherche une niche existentielle peu ambitieuse entre la bulle de l’écologie et une conception traditionnelle de la famille.
Autant dire qu’on était en droit de s’attendre à une charge plus virulente de la part de l’ancien trublion de Hollywood. Quand l’instance morale du film, vers laquelle Jake Moore se tourne chaque fois que les affaires dégénèrent, n’est qu’un simple chercheur en énergie à base de la fusion de lasers, il devient vite évident que le flair d’Oliver Stone pour dénicher des sujets brûlants est toujours aussi intact, mais que malheureusement, il ne sait plus employer les moyens cinématographiques adéquats pour rendre son propos engageant. Ce ne sont par conséquent ni son recours aux dispositifs formels vieillots, qui datent des années 1960, dès qu’un coup de fil est censé faire avancer l’histoire, ni le retour ennuyeux vers la silhouette des grattes-ciel de New York pour rythmer le récit, qui rendent la vision de Wall Street L’Argent ne dort jamais aussi frustrante, mais le constat que le réalisateur recule lâchement chaque fois qu’il risque de briser le plafond de verre du statu quo socio-économique des Etats-Unis.

Vu le 21 septembre 2010, au Club de l'Etoile, en VO

Note de Tootpadu: