Bruit des glaçons (Le)

Bruit des glaçons (Le)
Titre original:Bruit des glaçons (Le)
Réalisateur:Bertrand Blier
Sortie:Cinéma
Durée:85 minutes
Date:25 août 2010
Note:
L’écrivain à succès Charles Faulque vit reculé dans sa maison de campagne. Sévèrement alcoolique, pas que depuis le départ de sa femme Carole et de son fils Stanislas, il passe ses journées à picoler, en regardant sa compagne actuelle, la belle Russe Evguenia, se prélasser autour de la piscine, et en observant sa fidèle servante Louisa s’affairer dans la maison. Un jour, son cancer sonne à la porte. Puisqu’il est impossible de s’en défaire, Charles se résigne à sa présence et à la mort certaine qui l’attend. Mais la prise de conscience de sa fin prochaine lui fait découvrir son amour insoupçonné pour Louisa, qui est, elle aussi, accablé d’un cancer tenace.

Critique de Tootpadu

Cette guéguerre entre un homme et sa maladie ne constitue pas le dialogue intérieur le plus bizarre dont le cinéma a été jusqu’à présent capable, grâce à Lui et moi de Doris Dörrie, la conversation entre un homme et sa bite, sortie au milieu des années 1980. La touche si particulière de Bertrand Blier assure cependant au Bruit des glaçons d’être un film à part, pas forcément plus réussi que ses films précédents – ces Acteurs et Côtelettes globalement insupportables –, mais néanmoins fidèle au style inimitable, entre la théâtralité et l’absurdité crue, dans lequel le réalisateur paraît œuvrer exclusivement ces dernières années. Il est en effet toujours aussi difficile pour nous d’apprécier le ton insistant avec lequel Blier et parfois même ses personnages s’adressent au public et de voir dans ses intrigues intimistes autre chose que les fantasmes en vase clos d’un cinéaste vieillissant. Tous les éléments des films du réalisateur en général, et de celui-ci en particulier, sont soumis à l’humour fade et à la vision étriquée du monde de leur auteur, à tel point qu’aucun sursaut de fraîcheur ou d’imprévu n’arrive à ébranler les fondations très personnelles du cinéma selon Bertrand Blier.
Le protagoniste de cette farce a ainsi beau regagner in extremis le goût de la vie, le rythme et le ton du film ne s’en voient guère modifiés. Au mieux, nous avons droit à quelques instants fugaces d’une poésie filmique surprenante, qui arrive plus par accident qu’à cause de la mise en scène pesante. Comme à son habitude, Bertrand Blier se montre en effet point adroit dans l’exploration des dispositifs narratifs, comme ici l’aspect invisible du cancer pour tous ceux qui n’aiment pas le malade. Il en fait un usage aussi peu conséquent que de la représentation de l’acte sexuel, ni vulgaire, ni sensuelle ici, mais juste tributaire d’une volonté scénaristique qui trouve très rarement le ton juste. Si Le Bruit des glaçons paraît donc aussi laborieux, ce n’est pas à cause du sujet délicat de la maladie, qu’il traite par ailleurs sans finesse. Le défaut principal du film réside en l’aspect artificiel de son ton, qui englue tout le récit, jusqu’à en évacuer le moindre détail en contradiction avec la vision nullement amusante du monde opérée par le réalisateur.
Bertrand Blier s’inscrit donc plus que jamais avec ce film dans la lignée des réalisateurs français à l’univers particulier, comme Claude Lelouch ou Jean-Pierre Mocky, qui filment régulièrement, avec le plus souvent des comédiens de premier plan à leur disposition, mais dont le corpus filmique paraît figé dans un mouvement d’éternel retour, et par conséquent incapable d’évoluer, en bien ou en mal. Pour les inconditionnels de son style barbant, Le Bruit des glaçons devrait correspondre à tout ce qu’ils aiment dans la façon de faire de ce réalisateur incorrigible. Vu que nous n’en faisons pas du tout partie, sa vision nous a plutôt affligés, même si ses bassesses, son humour pour le moins douteux, et son rythme bancal n’étaient pas aussi pénibles dans le cas présent que dans les deux films cités plus haut.

Vu le 17 août 2010, au Club Marbeuf

Note de Tootpadu: