Amours imaginaires (Les)

Amours imaginaires (Les)
Titre original:Amours imaginaires (Les)
Réalisateur:Xavier Dolan
Sortie:Cinéma
Durée:101 minutes
Date:29 septembre 2010
Note:
Francis et Marie sont des amis inséparables. Jusqu’à l’arrivée de Nicolas, un beau jeune homme fraîchement débarqué de la campagne, avec lequel ils se lient d’amitié, dans l’objectif de gagner son cœur.

Critique de Tootpadu

Aussi incroyable que cela puisse paraître, Xavier Dolan s’est encore surpassé en termes de narcissisme dans son deuxième film, après le déjà péniblement prétentieux J’ai tué ma mère. Alors que toutes les frustrations existentielles du jeune réalisateur canadien s’exprimaient dans ce dernier à travers la haine pour une mère indigne, le marasme psychologique et émotionnel dans lequel il cherche à nous entraîner ici n’a pas la moindre finalité dramatique. Certes, le scénario explore d’une manière fort approximative l’éternelle histoire de la rivalité entre deux amis, qui se disputent les faveurs d’un nouveau venu. Mais cette trame minimaliste est au mieux un prétexte pour la débauche stylistique du film, un condensé des pires influences à tirer d’une pub pour les parfums de Jean-Paul Gaultier et les ralentis langoureux de In the mood for love de Wong-Kar Wai.
Pourtant Les Amours imaginaires commence avec une lueur d’espoir, hélas rapidement éteinte, qui laisse entrevoir en l’espace de quelques minutes ce que l’univers de Xavier Dolan pourrait être, si le réalisateur n’était pas aussi maladivement nombriliste. Des personnes apparemment choisies au hasard y racontent leurs déboires sentimentaux, ou comment ils se sont fait jeter comme une merde, à moins de se languir de quelqu’un qui ignore jusqu’à leur existence. L’accent canadien prononcé des intervenants et l’énormité des situations évoquées contribuent à la création d’un ton passablement grotesque, qui aurait pu déboucher sur quelque chose comme un regard ironique sur le fourvoiement des sentiments en ces temps d’accélération et de banalisation des échanges. Sauf que le réalisateur n’emploie finalement ce dispositif issu du documentaire d’investigation qu’à une ou deux reprises, telle une parenthèse dépourvue d’un lien clairement établi avec l’intrigue principale.
Celle-ci n’a plus rien à faire de la sobriété toute relative dans la forme et dans le fond de ces entretiens. Morcelée au possible et atrocement surchargée en effets de style voyants, elle confirme au contraire tout le mal que nous pensions de Xavier Dolan depuis ses débuts derrière la caméra. Au moins un ralenti pour chaque occasion, des écrans noirs pour découper et rythmer arbitrairement le récit, des couleurs dominantes pour chacune des séquences de rapports charnels de Francis et de Marie, de surcroît plombées par une sélection musicale lourdement insistante : le catalogue des charges contre la mise en scène de Xavier Dolan est quasiment interminable. Et c’est au moins en cela que ce film échappe à un ennui mortel, puisqu’il nous laisse appréhender constamment la prochaine atrocité avec laquelle le réalisateur nous agacera.
Car l’aspect le plus insupportable du deuxième film de Xavier Dolan, qui ne sera hélas pas le dernier, vu comment le réalisateur a su susciter un engouement critique suite à son premier, c’est qu’il nous met sans relâche face à l’égo démesuré de son créateur. Tout n’est que l’expression convulsée d’un amour propre dépité ici. En se morfondant dans une passion à sens unique, pour la simple raison que l’objet des fantasmes n’est pas homosexuel, le personnage interprété par le réalisateur est le reflet à peine voilé d’un pseudo-artiste, dont l’unique centre d’intérêt est la glorification de sa propre souffrance narcissique. Il n’y a rien de mal a priori pour un cinéaste à vouloir explorer ses fantasmes personnels et les souffrances qu’ils engendrent. Nous pouvons même trouver un certain intérêt à la démarche artistique d’un réalisateur comme Vincent Dieutre, dont le dévoilement exhibitionniste permet au moins d’apercevoir un milieu gay à l’écart de la représentation consensuelle, le tout sur fond d’un voyage perpétuel à travers les jungles urbaines de différents continents. Mais dans le cas de Xavier Dolan, le seul enjeu de ses films à venir réside en leur capacité d’atteindre enfin le niveau ultime de la prétention filmique, c’est-à-dire les profondeurs d’un cinéma tout à fait insupportable à regarder. Avec Les Amours imaginaires, il n’y est pas encore entièrement parvenu. Mais le mouvement inexorable vers le bas est déjà suffisamment enclenché, pour nous donner nullement envie de subir sa prochaine infamie filmique !

Vu le 27 juillet 2010, au Club de l'Etoile, en VQ

Note de Tootpadu: