Salt

Salt
Titre original:Salt
Réalisateur:Phillip Noyce
Sortie:Cinéma
Durée:100 minutes
Date:25 août 2010
Note:
Deux ans après avoir échappé à la captivité en Corée du Nord uniquement grâce à l’intervention de son mari, l’agent secret américain Evelyn Salt est accusée par le transfuge Orlov d’être une taupe russe. Alors que son patron Ted Winter est prêt à lui accorder le bénéfice du doute, William Peabody du département du contre-espionnage la traque sans la moindre pitié. L’heure de vérité approche, puisque selon les dires d’Orlov, Salt est censée assassiner le président russe lors des obsèques du vice-président américain à New York quelques jours plus tard.

Critique de Tootpadu

L’investissement principal du cinéma hollywoodien cet été, à savoir la capsule qui doit nous ramener un quart de siècle en arrière dans le temps afin de nous déposer invariablement quelque part dans les années 1980, porte une fois de plus ses fruits dans ce thriller d’espionnage, dont l’antagoniste paraît tout droit sorti de l’époque heureusement révolue de la Guerre froide. Il est en effet symptomatique de l’état actuel du cinéma américain, entré dans une phase de décrépitude prolongée, qu’il n’ose même plus confronter un ennemi à peu près réel et actuel, le terroriste fanatique, et qu’il préfère plutôt ressortir la menace d’antan, à travers un recyclage à peine moins caricatural qu’à l’époque du conflit entre l’Est et l’Ouest. Cela indique bien sûr une certaine indifférence quant aux motivations et à l’origine de l’adversaire, qui ne sert après tout qu’à faire valoir le combat héroïque du protagoniste pour défendre les valeurs de l’Amérique, jamais durablement prises en défaut. Il n’empêche que les retrouvailles inopinées avec de méchants russes dans un film pas forcément investi d’une vocation de propagande provoque en nous autant une nostalgie incrédule que des doutes sérieux sur le bien-fondé du projet scénaristique de Kurt Wimmer.
Hormis cette réserve nullement négligeable et des retours en arrière, à la grande époque de la patrie russe, cela va de soi, qui surviennent avec une régularité agaçante, puisqu’ils ne servent point l’avancement de l’intrigue, Salt est un film d’action presque magistralement orchestré par le réalisateur Phillip Noyce et monté avec une efficacité une fois de plus impressionnante par Stuart Baird et John Gilroy. La recette éprouvée de la chasse à l’homme, ou en l’occurrence à la femme, qui doit prouver son innocence alors que tout l’accuse, est appliquée avec suffisamment de finesse ici pour nous prendre plusieurs fois au dépourvu. Evelyn Salt n’est pas, à première vue, un personnage moralement sans reproche. Son mouvement de fuite spectaculaire déclenche autant une interrogation sur son allégeance qu’une série d’actions apparemment sans équivoque qui rend justement le personnage plus complexe que les héros sans faille des super-productions estivales habituelles. Pas assez cependant de cette devinette astucieuse sur le camp auquel appartient réellement l’agent Salt, cette dernière est de surcroît investie d’une sensibilité émotionnelle en contradiction avec l’exécution de sang froid de sa mission machiavélique. Du coup, nous ne savons jamais tout à fait à quoi nous en tenir avec cette héroïne à la complexité bien de notre temps, mais simultanément confrontée aux chimères du passé. La dynamique essentielle du scénario provient de cette opposition entre le contexte poussiéreux et cet électron libre d’un personnage imprévisible, qui évolue en son sein avec une désinvolture rafraîchissante et pourtant condamné d’emblée par son incapacité tragique de s’y adapter.
Angelina Jolie joue cette femme mystérieuse avec une intensité physique et psychologique d’autant plus redoutables que le rythme soutenu de la narration ne lui laisse point le temps de souffler. Cela serait alors notre dernière reproche sans gravité par rapport à ce film qui constitue autrement un divertissement entièrement réjouissant, qu’à force de rendre le récit pratiquement aérodynamique, avec de nombreuses ellipses convenablement négociées, Salt ne s’attarde pas assez sur les personnages secondaires, au point d’expédier l’apparition du pauvre André Braugher en quelques secondes. Ce serait sans doute trop demander d’un film d’action agréablement bourrin, mais nous aurions quand même souhaité observer plus longtemps Chiwetel Ejiofor poursuivre Angelina Jolie sur un pas de course à l’allure aussi dansante que vigoureuse.

Vu le 27 juillet 2010, au Club de l'Etoile, en VO

Note de Tootpadu: