
Titre original: | Krach |
Réalisateur: | Fabrice Genestal |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 86 minutes |
Date: | 01 septembre 2010 |
Note: | |
Erwan Kermor s'est installé à Wall Street pour assouvir son goût du risque. Avec son ami Georges, il travaille comme trader pour une banque d'investissement américaine. Alors que son bilan annuel en cours est loin d'être exceptionnel, Erwan est interpellé par la courbe d'une prévision de rendement, présentée lors d'une réunion professionnelle. Il établit un lien entre cette hypothèse et les recherches de Sybille Malher, une spécialiste en climatologie basée au Canada. Après une comparaison entre la courbe de Malher et l'évolution des marchés internationaux, Erwan est convaincu d'avoir trouvé la formule magique, qui lui permettra d'anticiper précisément les fluctuations des placements. Assisté par Georges, il met sa théorie en pratique, tout en prenant un risque énorme avec l'argent de la banque pour laquelle il travaille.
Critique de Tootpadu
Contrairement aux apparences, le deuxième film de Fabrice Genestal, dix ans après La Squale, n'est pas une œuvre opportuniste, qui est censée tirer profit du sujet d'actualité de la crise, qui frappe l'économie mondiale depuis un an et demi. Il s'agit davantage d'un travail de longue haleine, né d'une autre catastrophe financière passée quasiment inaperçue à l'époque (l'affaire LTCM en 1998). La valeur prémonitoire de Krach s'est donc muée en une confirmation cinglante de la menace qui pèse toujours sur le modèle capitaliste, auquel pratiquement tous les marchés du monde se conforment. Ce retournement des auspices ne porte cependant guère préjudice au film, puisque celui-ci s'investit surtout dans une mise en garde abstraite contre un monde des finances, régi exclusivement par l'appât du gain, qui remplace le sens moral défaillant de ses acteurs.
L'histoire d'Erwan Kermor, l'équivalent fictif de Jérôme Kerviel, le bouc émissaire initial et finalement peu convaincant de la déroute de la Société Générale, est celle d'une mégalomanie nourrie par un système perfide. Le compas moral de ce personnage emblématique d'une époque sans autre valeur que la démesure de l'enrichissement personnel est définitivement éteint, contrairement à celui de Bud Fox dans Wall Street de Oliver Stone, qui lui permettait de sauver in extremis sa bonne conscience en trahissant son maître, Gordon Gekko. Ici, les conséquences socialement néfastes des actes du protagoniste sont au mieux discrètement esquissées, alors que le côté privé de sa vie est clairement privilégiée. Sauf qu'Erwan Kermor ne vit au fond que pour titiller un peu plus sa soif du risque à chaque nouvelle transaction risquée, tel un enchaînement de défis suprêmes à relever sur le long chemin, qui devait lui apporter la maîtrise des marchés et qui lui coûtera en fin de compte trop cher.
La courbe tragique du destin du personnage principal s'avère ainsi bien plus passionnante que les éventuelles implications plus largement sociales à travers lesquelles Fabrice Genestal aurait pu élargir le champ de réflexion de son film. L'entourage stylisé d'Erwan se montre au mieux efficace dans son emploi principal de soutenir la montée fulgurante du jeune trader au sommet de sa profession, avant de le lâcher misérablement, quand ses ambitions ont perdu toute mesure. La durée relativement courte du film empêche en effet une élaboration plus soignée des rapports entre la ribambelle de personnages secondaires et le jeune loup aux dents longues, que Gilles Lellouche interprète avec le charme téméraire qui lui est propre.
Vu le 5 juillet 2010, au Club de l'Etoile, en VO
Note de Tootpadu: