
Titre original: | Ce que je veux de plus |
Réalisateur: | Silvio Soldini |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 124 minutes |
Date: | 11 août 2010 |
Note: | |
L'accouchement de sa soeur plonge Anna, une comptable milanaise très respectable, dans une période de doutes, quant au couple qu'elle forme depuis des années avec Alessio. Ce n'est pas qu'elle s'y sent mal, mais la routine et le manque d'épanouissement sexuel lui pèsent. Elle saute par conséquent sur l'occasion de faire plus ample connaissance avec Domenico, un homme marié qu'elle rencontre par hasard. Leur relation passionnelle, vécue furtivement dans des chambres d'hôtel louées à l'heure, permet à Anna de reprendre goût à la vie. Mais les cachotteries auprès d'Alessio et de la famille de Domenico ne pourront pas durer éternellement.
Critique de Tootpadu
En apparence, il n'y a rien d'extraordinaire dans ce film italien, dont l'intrigue est presque artificiellement tirée en longueur par le réalisateur Silvio Soldini. L'histoire de l'épouse gentille et fidèle qui se laisse séduire sans la moindre résistance par un bel homme ténébreux, qui est au fond aussi peu disponible qu'elle, nous l'avons déjà vue des milliers de fois. La marge de manoeuvre pour ce genre de romance condamnée d'avance est en effet étroite, même si des exceptions plaisantes existent, comme Les Regrets l'a prouvé l'année dernière. Ce que je veux de plus adopte en quelque sorte une démarche semblable à celle du film de Cédric Kahn : il ne se fait guère d'illusions sur l'impossibilité d'une fin heureuse, mais il sait transcrire avec une fermeté narrative, dont la douceur est l'aspect le plus troublant, l'attirance irrésistible qui unit les deux amants.
Tous les éléments sont en effet réunis pour dissuader Anna et Domenico de s'engager dans une affaire, dont le côté torride est diamétralement opposé à la banalité de leur vie quotidienne. Leurs conjoints respectifs n'ont certes rien de caricatural. Mais ce fameux zeste de folie leur fait défaut, qui leur permettrait de dépasser le stade de confident fiable, ennuyeux, et surtout au pouvoir de séduction pratiquement éteint avec le temps. En parlant du temps, cette donne essentielle pour chaque engagement sentimental joue une fois de plus contre les intérêts du couple adultère. Puisqu'il n'y a rien à gagner sur la durée dans leurs ébats sexuels, autre qu'une satisfaction libidineuse passagère, et qu'ils n'osent pas franchir le cap de vivre au grand jour leur relation, cette stagnation finit par les user mutuellement. Comme souvent dans les couples qui se brisent, pour mieux se retrouver au bout d'une infidélité aux conséquences plus ou moins graves, la passion sur laquelle est fondée la dépendance affective et tempétueuse entre Anna et Domenico sert avant tout de révélateur d'un ennui profond, qui caractérise la configuration initiale de leurs couples respectifs. Vivre quelque chose de vibrant et de socialement et moralement interdit - quoique plus autant vilipendé que cette affaire ne l'aurait été dans un film italien d'il y a trente ou quarante ans -, c'est peut-être la dernière chance pour cette petite bourgeoisie passablement fade de se dérober à la monotonie d'une vie de famille bien rangée.
Cet équilibre entre la consternation et l'excitation, la mise en scène le négocie avec une finesse qui représente la principale qualité du film. L'issue de cette affaire classique a beau être prévisible, chacune des étapes qui mènent jusqu'à la conclusion brève mais sans équivoque, exerce un pouvoir de fascination grandissant. A condition de vous laisser porter par le rythme mesuré de la narration et de comprendre à un niveau émotionnel le dilemme dans lequel se trouvent les deux personnages principaux, joués d'ailleurs sans la moindre propension à l'exagération tragique par Alba Rohrwacher et Pierfrancesco Favino, vous apprécierez la dimension morale de ce film sans pathos et sans réponse facile non plus à l'éternelle tentation de la chair.
Vu le 17 juin 2010, au Club Marbeuf, en VO
Note de Tootpadu: