Mascotte du régiment (La)

Mascotte du régiment (La)
Titre original:Mascotte du régiment (La)
Réalisateur:John Ford
Sortie:Cinéma
Durée:100 minutes
Date:22 septembre 1937
Note:
En 1897, la jeune Priscilla se rend avec sa mère en Inde, afin d'y rencontrer pour la première fois son grand-père, le commandant Williams, qui a accepté de les recueillir, suite à la disparition de son fils. Au début, la vie dans la caserne du régiment écossais de son grand-père, avec sa discipline draconienne, fait peur à Priscilla. Mais petit à petit, sa bonne humeur et sa volonté de s'intégrer en devenant un petit soldat permettent à la fillette de gagner le coeur du sergent McDuff et des autres hommes. Sa vision innocente du monde la rend même aimable à l'égard du chef redouté des pilleurs Khoda Khan, qui avait été arrêté en ville le jour de l'arrivée de Priscilla.

Critique de Tootpadu

Dans les années 1930, Shirley Temple était le genre de star mondiale qu'on a beaucoup de mal à s'imaginer de nos jours, où les Macaulay Culkin, Haley Joel Osment, Dakota Fanning, et autres Miley Cyrus, grandissent si vite que leur empreinte sur le cinéma, et à plus forte raison sur la culture populaire, reste au mieux éphémère. Shirley Temple était par contre tout sauf une étoile filante. Son succès était tel qu'elle est toujours considérée comme l'enfant-vedette exemplaire, même si elle a quitté les plateaux de Hollywood depuis plus de soixante ans. Rétrospectivement, si l'ampleur de sa popularité, toutefois limitée dans le temps, a de quoi impressionner, le caractère intemporel de son oeuvre cinématographique est déjà moins avéré. L'image de Shirley Temple, qui s'est enracinée dans la mémoire collective à travers le voile des décennies passées, c'est celle d'une gamine si adorable qu'elle correspondait certes au désir d'évasion d'un public malmené par un quotidien morne, comme Mary Pickford avait su le faire vingt ans avant elle. Mais en même temps, ses exploits filmiques pittoresques reposent pour la plupart exclusivement sur le charme désuet, voire parfois agaçant, de l'actrice juvénile, sans un attrait indépendant de l'obsession hollywoodienne avec cette petite fille trop parfaite pour être vraie.
Habituellement l'attraction principale de ses films, Shirley Temple avait préféré s'entourer le plus souvent de réalisateurs routiniers comme David Butler, Irving Cummings, ou Allan Dwan, sans doute pour ne pas se faire voler la vedette. Dans le cas de cette adaptation libre d'une nouvelle de Rudyard Kipling, dont le protagoniste masculin avait été changé d'une manière fort opportuniste en fille pour accommoder la jeune actrice alors au sommet de sa gloire, c'est un John Ford tout juste avant sa période splendide de maturité artistique qui en tient les rênes. Ou plutôt, deux ans avant son double coup de maître avec La Chevauchée fantastique et Vers sa destinée et un an après Mary Stuart Reine d'Ecosse, considéré communément comme un de ses plus mauvais films, il tente d'envoyer, en Américain fier de ses origines irlandaises, quelques piques plus ou moins subtiles contre les Ecossais, et reste sinon à l'écart du rouleau compresseur activé par la formule Shirley Temple. Celle-ci fonctionne sans accroc notable, c'est-à-dire avec la victoire finale jamais mise en doute de la gamine aux trois grimaces (le sourire irrésistible, le regard inquisiteur, et les larmes attendrissantes), qui était déjà à l'époque, longtemps avant d'entamer sa carrière politique, une ambassadrice de bonne volonté redoutable.
Dans une filmographie aussi abondante que celle de John Ford, il est inévitable de tomber sur quelques oeuvres mineures. Trouver un de nos réalisateurs préférés aux commandes d'un film aussi niais relève néanmoins de la déception. Sa capacité de dresser un portrait humain magistral, mise pleinement en évidence dans ses nombreux chefs-d'oeuvre, est sacrifiée ici sur l'autel d'une histoire schématique, dont le seul enjeu est visiblement de faire perdurer le mythe Shirley Temple.

Vu le 24 mai 2010, à la Cinémathèque Française, Salle Henri Langlois, en VO

Note de Tootpadu: