Stavisky

Stavisky
Titre original:Stavisky
Réalisateur:Alain Resnais
Sortie:Cinéma
Durée:118 minutes
Date:15 mai 1974
Note:
En 1933, alors que le révolutionnaire russe Léon Trotski vient de trouver exil en France, l'escroc Serge Alexandre est sur le point de monter une nouvelle affaire lucrative. Déjà condamné quelques années plus tôt sous le nom de Stavisky, Alexandre ne cherche guère à se faire oublier. Directeur d'un théâtre et d'un groupe de presse, il brasse l'argent et mène la belle vie, en compagnie du baron Raoul, aussi dépensier que lui, et de sa femme Arlette. Bien vu des autorités, qu'il arrose généreusement, Alexandre est pourtant suivi de près par l'inspecteur Bonny, qui attend le moment opportun pour le faire tomber.

Critique de Tootpadu

Au milieu des années 1970, Alain Resnais avait une fois de plus tenté le grand écart entre un cinéma plutôt populaire, doté d'acteurs de renom et du cadre somptueux d'une reconstitution historique, et son style personnel assez particulier, reposant sur des associations libres et une narration éthérée, point soucieuse de suivre consciencieusement les règles établies de la linéarité de l'intrigue et les courbes dramatiques qui voient habituellement l'intensité alterner avec les moments de répit. Hélas, l'expérience n'est point aussi concluante ici que dans d'autres films du réalisateur, comme Muriel ou Providence. La complexité du récit garde en effet le spectateur à une distance de l'action et des personnages, qui prédestine au mieux Stavisky à être une acrobatie sophistiquée de l'esprit. La douce musique constante, qui accompagne les exploits de l'imposteur, exerce alors certes un pouvoir de fascination indéniable. Mais en même temps, il s'agit d'un film trop indécis entre le divertissement et l'abstraction formelle et historique, pour réellement convaincre.
Pourtant, le parcours rocambolesque de Stavisky est plus que jamais d'actualité, en ces temps de crise économique, où les prises de risque par les speculateurs irresponsables et la réticence des politiciens de faire des économies draconiennes sont sur le point de faire chavirer l'équilibre financier du monde entier. Jamais un adepte de la polémique voyante, Alain Resnais aborde le style de vie de son protagoniste sous un angle différent, moins direct et impliqué que ne le ferait un réalisateur plus socialement engagé. Il ne juge point les frasques de l'escroc, mais leur confère un niveau de relecture supplémentaire à travers le dispositif de l'intervention de ses proches devant le comité d'enquête parlementaire, dispersé tout au long du film. La mise en parallèle ne s'arrête pas là, puisque le périple de Trotski en exil sert de toile de fond historique à l'action principale, guère plus concrète. Autant cet éparpillement narratif correspond aux ambitions formelles et esthétiques d'Alain Resnais, autant il rend le propos véritable de son film encore un peu plus obscur.
L'éclat des diamants et la prouesse des effets de montage n'ont ainsi point la vocation d'épater superficiellement le spectateur. Ils participent davantage à un projet plus ample, qui consiste peut-être à remonter dans le temps avec un sentiment précis de mélancolie, voire de nostalgie, sans toutefois occulter la banalité de l'existence de Stavisky. Celle-ci est symbolisée par la galerie de personnages secondaires plutôt ternes, à l'exception du baron Raoul, interprété avec un recul majestueux par Charles Boyer, et l'absence de coups de maître, qui rempliraient le chasseur de chimères d'une satisfaction sincère. Au fond, c'est probablement cette démarche frileuse, ou bien éclairée selon le point de vue, pour évoquer le destin tragique de Stavisky, qui rend ce film aussi curieux, mais guère convaincant.

Revu le 17 mai 2010, à la Cinémathèque Française, Salle Jean Epstein

Note de Tootpadu: