
Titre original: | Arbre et la forêt (L') |
Réalisateur: | Olivier Ducastel, Jacques Martineau |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 99 minutes |
Date: | 03 mars 2010 |
Note: | |
En octobre 1999, Frédérick Muller n'assiste pas aux funérailles de son fils Charles. Ce vieux patriarche d'origine alsacienne, interné par les nazis au début de la guerre, n'explique son absence ni à son autre fils Guillaume, ni à sa petite fille Delphine. Lors de l'anniversaire de sa femme Marianne quelques semaines plus tard, pour lequel toute la famille est de nouveau réunie, Frédérick considère qu'il est désormais temps de rompre son silence.
Critique de Tootpadu
Le sixième film du duo de réalisateurs Olivier Ducastel et Jacques Martineau commence comme ces drames familiaux explosifs à la Festen de Thomas Vinterberg, où la réunion autour d'un événement marquant garantit une atmosphère chargée et des révélations déplaisantes en masse. Bientôt, le récit prend toutefois une autre direction, en se focalisant sur Rémi, le petit ami de Delphine et l'étranger dans le cercle familial, qui adopte en quelque sorte la fonction de passeur pour nous présenter indirectement les liens éprouvés et chargés par un passé pas toujours reluisant, qui rendent à la longue toute harmonie impossible. Mais là encore, le scénario délicat ne s'attarde pas outre mesure, puisqu'il opère un dernier revirement majeur qui apparente enfin L'Arbre et la forêt à la thématique plus ou moins ouvertement gaie, qui caractérise les films d'Olivier Ducastel et de Jacques Martineau.
Le ton subtilement sublime du film est par contre donné dès le début, avec ce motif récurrent des personnages qui regardent à travers la fenêtre, comme pour mieux observer de loin une vie sur laquelle ils n'ont guère eu d'emprise. La révélation de Frédérick, bien dans l'ère du temps d'il y a dix ans, quand l'homosexualité devenait enfin socialement acceptable, ne fait alors plus que mettre un nom sur le malaise et les suspicions qui gangrenaient la vie de famille depuis longtemps. Sauf que son passé et tout le bagage historique qu'il trimballe avec lui, au point de tenter les réalisateurs d'ancrer un peu trop artificiellement le destin de cet homme et des siens dans un contexte précis à travers le texte informatif au début du générique de fin, ne pourraient être perçus qu'en tant que prétexte pour donner une raison à la dégradation des rapports au sein de sa famille. Car au fond, les Muller ne diffèrent en rien d'autres microcosmes sociaux, où la solidarité familiale est constamment mise à l'épreuve par le conflit des générations et une intimité durable qui invitent forcément aux coups bas ou libérateurs.
En dépit de son rôle revendiqué de témoin d'une dernière étape de la libération homosexuelle, ce beau film est avant tout un conte universel sur l'équilibre fragile qui permet aux familles de perdurer à travers le temps. La mise en scène poétique d'Olivier Ducastel et de Jacques Martineau s'approprie ce thème intemporel à la fois d'un point de vue abstrait, à travers les arbres et la nature omniprésents, et pragmatique, par la capacité d'adaptation qui permet à chacun des personnages de survivre à sa façon. Enfin, l'emploi de la musique classique au cinéma, en l'occurence Richard Wagner dans le cas présent, est une fois de plus à l'honneur en cette fin d'hiver, après les combinaisons pas moins saisissantes entre Martin Scorsese - György Ligeti (Shutter Island) et Michel Franco - Felix Mendelssohn Bartholdy (Daniel et Ana).
Parmi la distribution en tous points excellente, citons surtout Guy Marchand, dans un magnifique rôle de vieillesse qui n'invite point à l'apitoiement, et Catherine Mouchet dans le rôle de la veuve de Charles, plus intriguée qu'atterrée par le spectacle que lui présente sa belle-famille.
Vu le 10 mars 2010, à l'UGC Ciné Cité Les Halles, Salle 15
Note de Tootpadu: