Shutter Island

Shutter Island
Titre original:Shutter Island
Réalisateur:Martin Scorsese
Sortie:Cinéma
Durée:138 minutes
Date:24 février 2010
Note:
En 1954, l'inspecteur Teddy Daniels de la police fédérale se rend, en compagnie de son nouvel équipier Chuck Aule, sur une île au large de Boston. Il doit y enquêter sur la disparition de Rachel Soldano, une patiente de l'hôpital psychiatrique de Shutter Island, où seuls les criminels les plus dangereux sont admis. Alors qu'une tempête violente risque d'interrompre tout lien avec le continent, Teddy Daniels doute de plus en plus de la bonne volonté du docteur Cawley, le responsable médical de l'institution, pour l'assister dans ses investigations sur la femme disparue, qui avait brutalement assassiné ses trois enfants.

Critique de Tootpadu

Maintenant qu'il a eu son Oscar, il ne reste plus rien à prouver pour Martin Scorsese, à l'exception de sa passion toujours aussi vive et communicative pour le Septième art. Car c'est exactement cela que le cinéma est pour un des meilleurs réalisateurs de sa génération : un art qu'il faut célébrer, préserver, chérir et surtout transmettre aux futurs cinéastes. Afin d'y arriver d'une manière au moins aussi divertissante que fascinante, Martin Scorsese signe un autre film de genre poignant. Mais contrairement à ses incursions récentes dans d'autres champs cinématographiques éprouvés, ce policier, qui se mue imperceptiblement en un thriller psychologique déroutant, fait preuve d'une maturité artistique, qui peut désormais se passer sans peine des exagérations formelles dans lesquelles le réalisateur avait tendance à se fourvoyer auparavant.
D'emblée, Shutter Island annonce la couleur d'une manipulation adroite, avec ses thèmes inquiétants de György Ligeti et la sensation d'un enfermement visuel, qui se concrétise au fur et à mesure que Teddy et Chuck s'approchent de l'enceinte de l'institution pénitentiaire. L'appréhension d'une vérité trouble joue autant un rôle dans cette montée de tension que la certitude qu'un réalisateur aussi avisé et instruit en termes de narration que Martin Scorsese ne va pas se donner tant de peine, si ce n'est pour nous absorber corps et âme dans une réalité parallèle, énigmatique et menaçante. Mais le récit va encore un peu plus loin dans la construction d'un labyrinthe mental, dont l'issue devient vite prévisible, mais qui est orchestré avec un tel soin et une telle virtuosité filmiques, que nous nous laissons duper volontiers par le scénario complexe de Laeta Kalogridis.
Celui-ci n'a guère recours aux grands effets narratifs, qui éclatent de mille feux pour laisser en fin de compte l'arrière-goût d'une insatisfaction tenace. Il s'emploie davantage à une identification aisée avec le protagoniste, justement quand l'identité de ce dernier commence à être mis en doute. Grâce à l'évocation subtile d'une perception erronée du monde par Teddy, le doute devient l'allié principal d'un récit, qui ne nous lâche plus. Même quand à la fin du film toutes les pièces du puzzle sont tombées en place pour mieux dévoiler le véritable traumatisme du protagoniste, une incertitude profonde sur ce que nous voyons et ce que nous sommes cencés croire demeure. C'est là la marque distinguée des rares films, qui réussissent à nous troubler et à nous égarer, sans pour autant paraître manipulateurs ou bêtement mal intentionnés.
La maestria de la narration est amplement soutenue par des contributions techniques sans faille, notamment à travers la photographie de Robert Richardson et les décors de Dante Ferretti, tout comme par les interprétations excellentes d'une distribution en or. Pour sa quatrième collaboration avec Martin Scorsese, Leonardo DiCaprio affiche enfin une intensité et une maturité dramatiques qui n'étaient jusqu'à présent pas forcément évidentes dans son jeu. De même, Ben Kingsley confère les facettes contradictoires de son personnage avec une sobriété et une authenticité, qui constituent un changement de vitesse très appréciable par rapport à la série de tours de force déchaînés à laquelle il s'adonnait depuis la résurrection de sa carrière, grâce à Sexy beast au début de la décennie.

Vu le 9 mars 2010, au Max Linder, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Martin Scorsese est l’un des plus grands réalisateurs américains et Shutter Island est à ce jour non seulement son plus grand succès sur le territoire américain, mais surtout sa consécration ultime, son chef-d'œuvre.

Ce réalisateur est un passionné de Cinéma, au même titre que Quentin Tarantino. Martin Scorsese a une attirance pour les films noirs, où le héros subit les éléments néfastes qui s'acharnent sur lui (Casino, After hours, Taxi Driver). Ce film ne déroge pas à cette règle et le personnage principal subira un sort fort cruel tout au long.

Sur une intrigue de polar classique, soit une enquête sur une disparition inexpliquée dans un asile psychiatrique sur une île perdue, le personnage interprété par le toujours aussi excellent Leonardi DiCaprio verra revenir à la surface son passé douloureux. On apprend dès le début que sa femme est morte dans des conditions très dramatiques. Sur ce canevas, le réalisateur impose avec ce film l'un des plus brillants thrillers que nous avons pu voir depuis très longtemps. L'action se passant dans les années 1950 vient renforcer cet aspect de l'humanité, où toute forme d'espoir aurait disparu. La noirceur de ce monde est mise en avant par l’aspect gothique de l’asile et par ses longs couloirs sans fin.

Ce film est aussi un voyage parmi les aliénés et au plus profond de la folie. La force du film vient du fait que les spectateurs se demanderont, en même temps que le personnage principal, si ce qu'ils voient ou croient voir est réel.

Le réalisateur a compris que le public actuel a une prépondérance pour les films noirs. Si The Dark knight Le Chevalier noir et Avatar sont ou ont été au sommet du box-office mondial, c’est qu'ils sont l'œuvre de réalisateurs au sommet de leur art et surtout qu'ils ne renient en rien leur noirceur et leur vision d’une humanité qui court à sa perte. Dans ce monde, où les hommes n'arrivent pas à communiquer entre eux et dans lequel la bonté et la sagesse ont disparu, la folie sort triomphante. Martin Scorsese a bien retenu cette leçon et s'adapte à cette vision, en nous livrant le plus noir de ses films. La fin de ce pur chef-d'œuvre nous montre que nous sommes tous prisonniers de notre passé et que nos actions passées ont toujours des répercussions.

Ce film s'impose comme l'œuvre fondatrice de ce réalisateur et nous montre surtout que l'association entre Martin Scorsese et Leonardo DiCaprio, au même titre que celle entre Alfred Hitchcock et Cary Grant ou entre Christopher Nolan et Christian Bale, est l'une des plus brillantes alchimies qui soient. Un réalisateur à son sommet, l'un des plus grands acteur américains, et un scénario parfait font de ce film un des événements incontournables de cette année. On se demande pour quelle raison la sortie du film a été repoussée, puisqu’il aurait mérité une flopée d'Oscars.

N'allez pas voir Shutter Island, mais courez-y ! Vous ne regretterez pas ce voyage au plus profond de l'âme humaine, qui restera dans vos mémoires longtemps après.

Vu le 26 février 2010, au Gaumont Disney Village, Salle 1, en VF

Note de Mulder: