Paisito

Paisito
Titre original:Paisito
Réalisateur:Ana Diez
Sortie:Cinéma
Durée:88 minutes
Date:17 mars 2010
Note:
Le joueur de foot Xavi rentre en Espagne, son pays natal, afin de finir sa carrière professionnelle dans un club local. Il y retrouve Rosana, une amie proche d'enfance qu'il avait perdue de vue en 1973, lors du putsch militaire en Uruguay. A l'époque, Xavi, le fils du cordonnier, et Rosana, la fille du préfet, étaient voisins. L'amour naissant de leur début d'adolescence avait connu un coup d'arrêt brutal, à cause de l'engagement politique de leurs pères en ces temps troubles et incertains.

Critique de Tootpadu

Prendre parti quand l'instabilité de la situation politique inviterait plutôt à la prudence, tel est le fil rouge thématique de ce film uruguayen. Le récit cadre de l'amour retrouvé, après un quart de siècle de rancunes et de traumatismes liés au coup d'état, fonctionne ici comme une mise en abîme détournée, à l'image d'un regard furtif jeté dans le rétroviseur de l'Histoire sans comprendre réellement ce qui s'était passé à l'époque. L'ambivalence des mots et des actes est un motif récurrent de Paisito. Pendant que la génération des enfants est aux prises avec un passé que le point de vue de la jeunesse déforme sous le poids de leur premier investissement sentimental, leurs parents se tordent dans tous les sens imaginables pour ne pas devoir prendre une décision, et par conséquent un engagement, qui serait lourd de conséquences pour leur progéniture.
La réalisatrice Ana Diez organise avec beaucoup de finesse cette danse autour du pot d'une prise de position fatidique. Entre des mains moins adroites, le ton assez abstrait du film aurait pu s'évaporer facilement, pour ne laisser rien de consistant derrière lui. Mais le va-et-vient entre le passé et le présent, entre les discussions très nébuleuses qui n'osent jamais désigner explicitement le danger imminent et les retrouvailles qui paraissent plus comme l'accomplissement d'un désir charnel jadis interrompu que comme la renaissance rose bonbon d'un amour romantique, produit une tension dramatique saisissante.
La douleur du souvenir est peut-être encore trop vive pour affronter directement ce fait majeur de l'Histoire récente qu'a été le coup d'état. Mais la multiplication des approches, à laquelle le cinéma latino-américain procède déjà depuis quelques années, ouvre la voie à une confrontation globale avec ce chapitre sombre de l'Histoire de tout un continent. Plutôt que de nous conter une énième fois le destin éprouvant des civils enlevés, ce film a choisi le point de vue des citoyens respectables, qui se sont retrouvés prisonniers entre les fronts idéologiques au moment décisif. Dans ce contexte, sa narration complexe ne relève pas de la fioriture formelle superflue, mais d'une structure solidement exécutée à travers laquelle toutes les incertitudes des personnages peuvent s'exprimer sans entraves.

Vu le 2 mars 2010, au Latina, Salle 2, en VO

Note de Tootpadu: