
Titre original: | Crossdresser |
Réalisateur: | Chantal Poupaud |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 81 minutes |
Date: | 24 mars 2010 |
Note: | |
Elles s'appellent Nicole, Lolita, Auxane, ou Virgine Perle, le soir quand elles se transforment en femmes sophistiquées, pour exprimer la part de féminité qui sommeille en eux. Car le jour, ces travestis clandestins sont des hommes mariés, souvent avec enfants, socialement bien intégrés. Ils dévoilent une partie de leur jardin secret, comme leur difficulté d'accepter eux-mêmes ce désir de s'habiller en femme et la double vie qu'ils se sentent obligés de mener.
Critique de Tootpadu
Il y a plus de trente ans, Woody Allen se moquait vulgairement des travestis clandestins dans un épisode de Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe .... Depuis, les mentalités n'ont pas tellement évoluées, puisque l'acceptation des hommes qui s'habillent en femmes, sans pour autant être homosexuels, n'a pas suivi la même trajectoire de banalisation toute relative que celle que la communauté gaie a connue, à laquelle ils sont souvent par erreur associés. Dans un tel contexte d'ignorance et d'exclusion, ce documentaire délicat permet de jeter un coup d'oeil furtif dans l'intimité de ces hommes/femmes. Sans jamais juger ce que les quatre personnes au centre du film font, Crossdresser établit une sorte d'ébauche d'un état des lieux des travestis parisiens, ou en tout cas de ceux qui mettent une jupe et des porte-jarretelles pour assouvir leurs pulsions et non pas pour gagner leur vie.
Le dispositif du documentaire est aussi simple que concluant : on accompagne les quatre hommes dans leur démarche de transformation physique, pendant laquelle ils nous racontent avec plus ou moins de candeur leur parcours de travesti. Le rituel répétitif du maquillage et de la pose de la perruque fonctionne alors comme un acte d'affirmation fort. Cet instant magique de basculement entre le côté masculin et le côté féminin, preparé dès l'enfilement des bas, prend la même importance chez chacun des hommes. Le fait de les placer dans des circonstances semblables, dans un appartement qui n'est pas le leur mais qui exprime vaguement leur personnalité, soulève un nombre important de points en commun entre la démarche des différents participants. Leur discours se ressemble de même curieusement, sans doute pas parce que la réalisatrice Chantal Poupaud, la mère de Melvil, aurait dirigé intentionnellement la discussion dans une direction préétablie, mais à cause des codes du langage et du comportement qui prévalent dans la plupart des communautés minoritaires.
La part de narcissisme qui est inhérente au travestissement, et qui se manifeste par exemple à travers les photos qui closent le documentaire, sur lesquelles les crossdressers prennent des poses suggestives, est agréablement atténuée dans le film. La réalisatrice ne prend jamais un ton moralisateur ou révendicateur. Elle se contente, dans une modestie artistique et éthique qui force le respect, d'observer ces hommes à part lors des moments privilégiés qu'ils prennent avec eux-mêmes, sans le moindre sous-entendu graveleux. Pour elle, ces travestis clandestins ne sont nullement des bêtes de foire, comme ils ont pu l'être dans le film cité plus haut par exemple, mais des individus courageux qui osent vivre, ne serait-ce qu'à l'abri du regard du public et de leurs proches, leurs penchants socialement méprisés.
Vu le 22 février 2010, au Reflet Médicis, Salle 1
Note de Tootpadu: