Eastern plays

Eastern plays
Titre original:Eastern plays
Réalisateur:Kamen Kalev
Sortie:Cinéma
Durée:89 minutes
Date:10 mars 2010
Note:
Itso est un ancien toxicomane, qui vit renfermé sur lui-même. Il repousse sa petite amie, une actrice débutante, et il a coupé l'essentiel des liens avec sa famille. Son seul refuge est la sculpture sur bois, qu'il avait apprise aux Beaux-Arts. Un soir, il vient en aide à une famille turque, de passage à Sofia, qui se fait agresser dans une ruelle par un groupe de néo-nazis, auquel appartient Georgi, le petit frère d'Itso. En dépit des barrières linguistiques et culturelles, Itso devient l'ami de Isil, la fille du couple turc.

Critique de Tootpadu

Le premier film de Kamen Kalev, un des rares films bulgares qui se font et qui arrivent jusque sur nos écrans, est le portrait captivant d'un homme en perdition. Cet homme est à la fois Itso, le personnage principal, et Christo Christov, l'acteur qui le joue et qui est décédé d'une overdose avant même que le tournage ne soit terminé. De cette contrainte matérielle est né une oeuvre artistique crue, qui ne relève pas autant de l'hommage solennel que de l'observation d'un individu à fleur de peau. L'intensité avec laquelle l'ancien ami du réalisateur s'est jeté dans l'interprétation du rôle émotionnellement complexe d'Itso n'a rien de prémonitoire ou de suicidaire. Il s'agit davantage du testament involontaire d'un acteur né, plein de vie et d'une authenticité que l'on ne trouve plus chez les comédiens moins instinctifs et plus instruits en termes dramatiques.
Sans surprise, Eastern plays tourne presqu'exclusivement autour du protagoniste ténébreux et de son quotidien déprimant. Il ne se passe ainsi pas grand-chose pendant la durée du film. Mais la façon dont la mise en scène accompagne Itso dans ses moindres faits et gestes, toujours sur le ton d'une densité étrangement mélancolique, est bien plus passionnante que la structure en trois actes à la solde d'une action artificielle, dont ce film se passe très bien. Le réalisateur Kamen Kalev s'intéresse plus à nous faire ressentir les choses, y compris tout le mal de vivre d'Itso, péniblement apparent au cours de la consultation chez le soutien psychologique, qu'à nous les montrer ou épeler bêtement. Son style personnel et sa narration, qui n'ont pas peur d'un rythme flottant et parsemé de paranthèses plus calmes, sont les indicateurs certains de la naissance d'un talent prometteur.
Le contexte social dans lequel le scénario fait évoluer les deux personnages principaux, Itso et son frère Georgi, ne se complaît point dans le misérabilisme. Il s'applique plutôt à révéler la gangrène profonde qui ronge la société bulgare de l'intérieur, sous forme d'une corruption omniprésente et d'une xénophobie qui dépend avant tout des calculs cyniques des politiciens en perte de vitesse. Le ton poétique de Eastern plays en tient compte en toute lucidité, sans pour autant vouloir se dresser en dénonciateur des torts de l'époque post-communiste. Sa priorité artistique se trouve bien plus du côté du portrait intimiste, envoûtant et inquiétant à la fois.

Vu le 16 février 2010, au Club Marbeuf, en VO

Note de Tootpadu: