
Titre original: | Anvil |
Réalisateur: | Sacha Gervasi |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 81 minutes |
Date: | 03 février 2010 |
Note: | |
Au début des années 1980, Steve "Lips" Kudlow et Robb Reiner, les membres fondateurs du groupe canadien de rock Anvil, étaient à la pointe de l'innovation musicale. Après quelques succès, comme leur album "Metal on metal", ils sont cependant vite retombés dans l'obscurité, faute de management professionnel, qui aurait pu leur procurer la même notoriété qu'à leurs contemporains. Depuis, le groupe a connu quelques transformations. Mais Lips et Robb, amis depuis l'adolescence, cultivent toujours le rêve de renouer un jour avec la gloire. Leur chance semble tourner, lorsque Tiziana Arrigoni, une fan inconditionnelle, leur a organisé une tournée en Europe et qu'ils retrouvent leur producteur d'antan Chris Tsangarides pour enregistrer leur nouvel album, "This is thirteen".
Critique de Tootpadu
Il n'est point requis d'apprécier, ou au moins de supporter, la musique hard rock pour se réjouir de ce documentaire débridé, qui s'intéresse plus à la détermination et à l'idéalisme du groupe Anvil, qu'à ses prouesses musicales. Ce qui importe ici, ce n'est pas tellement le contenu de l'activité artistique de Lips et de Robb, mais l'enthousiasme infatigable, l'investissement émotionnel et la persévérance irréfutable avec lesquels ils poursuivent leur rêve d'une seconde consécration, qui borde à l'illusion. Au lieu de se reposer sur leurs lauriers poussiéreux, les musiciens canadiens n'ont jamais entièrement abandonné l'ambition de faire mieux et de contribuer sans relâche leur part, aussi modeste soit-elle, à l'univers assez particulier de la scène rock.
Mais comme souvent, la réalite fait barrage contre la réalisation du rêve. Après avoir galvanisé les foules, qui s'étaient déplacées en masse pour l'entendre et le voir jouer, Lips assure désormais l'acheminement de la restauration scolaire dans sa ville, loin du centre névralgique de l'industrie musicale. Le voir pousser les chariots de nourriture à travers les rues enneigées nous rappelle forcément une autre image tout aussi tristounette : celle de Randy Robinson, l'ancienne vedette du ring, qui anime sans conviction la boucherie d'un supermarché dans The Wrestler de Darren Aronofsky. De son côté, Robb s'enferme dans sa cave, où il s'interrogé, entouré de ses natures mortes et des objets témoins du succès passé, sur le bien-fondé de l'acharnement à poursuivre l'aventure du groupe contre toute raison.
Non, les vestiges d'Anvil ne ressemblent décidément pas à ceux des autres groupes d'antan, destitués ou tombés dans toutes sortes d'excès, dont le dépit est encore le moins nuisible. Le fait d'avoir évolué si longtemps en dehors des feux des projecteurs donne à la fois au groupe une grande maturité et une innocence artistique rare. Leur style n'a pas été corrompu par l'argent au fil du temps. Et la certitude de ne pas dépendre du succès immédiat pour subsister pendant des années leur a ôté la pression de devoir réussir à tout prix. Le succès de leur longévité se trouve bien là : dans la priorité de leur solidarité et de leur intransigeance artistique par rapport aux considérations bassement mercantiles. Pendant que d'autres groupes se séparent sans cesse pour des raisons plus ou moins justifiées, Anvil reste égal à lui-même et à la nature idéaliste et incorruptible de ses membres.
Le portrait intimiste que le réalisateur Sacha Gervasi dresse du groupe phare de sa jeunesse, à présent au carrefour entre l'amateurisme et un retour en force tardif et inopiné, séduit surtout par sa sincérité. Très loin d'une célébration du mythe Anvil à réserver aux fans indécrottables, son documentaire est une vibrante leçon d'humanité et d'amitié. Car si le groupe a pu exister aussi longtemps, c'est grâce à la complicité sans fard, coups de gueule explosifs inclus, entre Lips et Robb et leur dévouement inconditionnel à la cause de la musique rock en particulier, et à celle de l'art en général.
Vu le 21 janvier 2010, au Club Marbeuf, en VO
Note de Tootpadu: