Quatre cavaliers de l'Apocalypse (Les)

Quatre cavaliers de l'Apocalypse (Les)
Titre original:Quatre cavaliers de l'Apocalypse (Les)
Réalisateur:Vincente Minnelli
Sortie:Cinéma
Durée:145 minutes
Date:18 janvier 1962
Note:
En 1938, le patriarche Madariaga célèbre en Argentine le retour de son petit-fils Heinrich, après des études de médecine en Allemagne. A la stupeur du vieil homme, Heinrich a rejoint le parti nazi et se sent prédestiné à faire carrière dans ses rangs. Le choc de cette révélation tue Madariaga, qui avait justement quitté l'Europe, pour fuir tout fanatisme barbare. Son autre petit-fils Julio, un bon vivant sans le sens des responsabilités, s'installe quelques mois plus tard avec ses parents et sa soeur Gigi à Paris. Il y fait la conaissance de Marguerite, l'épouse d'Etienne Laurier, un activiste anti-nazi et ami proche de son père. Quand Laurier est mobilisé et doit partir au front belge, Julio commence une liaison passionnelle avec Marguerite.

Critique de Tootpadu

Dans la filmographie de Vincente Minnelli, Les Quatre cavaliers de l'Apocalypse est l'exemple parfait pour démontrer, à quel point ce réalisateur était incapable de faire simple. Son style emphatique se refuse en effet à toute approche naturaliste ou épurée. Le ton lourdement mélodramatique enveloppe le récit entier dans le carcan de l'artifice assumé. Mais en même temps, ce voile quasiment impénétrable de la fiction confère au film une aura vaguement mystique. En dépit de ses inégalités formelles et de son histoire plutôt conventionnelle, autour d'une famille déchirée et en fin de compte anéantie par la Seconde Guerre mondiale, ce film exerce sur nous un pouvoir de fascination étrangement abstrait.
Ce n'est pas tant sa volonté de contribuer quelque chose de constructif sur les trois plans principaux de son intrigue - à savoir le contexte historique, la romance mélodramatique, et la tragédie familiale - qui interpelle, mais l'indépendance et l'anachronisme formels avec lesquels il parvient à conjuguer alternativement ces courants dispersés. La priorité du film n'est guère de nous émouvoir par ses tourments du coeur, ou bien de nous enthousiasmer par la noblesse de l'action de la Résistance. Il excelle davantage dans la mise en pratique sans faille, mais sans passion palpable non plus, de la réalisation soignée et foncièrement élégante de Vincente Minnelli. L'aspect sophistiqué du film lui confère un côté tellement précieux et ampoulé, qu'il a déjà dû apparaître passablement daté au moment de sa sortie, comme une production surchargée des studios, qui tentaient désespérément à l'époque de contrer la popularité grandissante de la télévision. A priori, rien de mal à cela, puisque le souffle épique de la naration, soutenu par la photographie somptueuse de Milton Krasner, maintient le film à peu près à l'écart des effets de mode.
Que Vincente Minnelli n'ait pas voulu ou su s'abstenir complètement des parenthèses symboliques, redevables d'une certaine esthétique filmique des années 1960, constitue peut-être la particularité majeure du film. Sans crier gare, le rythme réfléchi du récit est ainsi interrompu à plusieurs reprises par de courtes séquences, censées condenser les horreurs de la montée du nazisme et de la guerre, pour mieux justifier l'engagement héroïque du protagoniste. Les tons des couleurs assez psychédéliques et les multiples surimpressions créent alors un effet de contraste visuel pas entièrement raté avec les valeurs de plans sagement académiques du reste du film. De même, un des très rares gros plans, sur les yeux de Julio qui contemplent la décadence de l'occupant allemand, fait figure de point d'exclamation formel maladroit, dont la fonction principale paraît être le renforcement de la moralité irréprochable du personnage, qui a le plus grand mal à s'exprimer par le jeu du toujours aussi peu charismatique Glenn Ford.
Toutefois, ce sont justement ces interludes atypiques, à l'exception du symbole pompeux des quatre cavaliers, qui rendent le film aussi curieux et imprévisible. Ils opèrent comme les signes de ponctuation d'un récit ample, qui se termine hélas bien trop abruptement, comme si les fonds avaient manqué pour tourner une conclusion plus organique.

Revu le 15 janvier 2010, au Quartier Latin, Salle 1, en VO

Note de Tootpadu: