A Single man

A Single man
Titre original:A Single man
Réalisateur:Tom Ford
Sortie:Cinéma
Durée:100 minutes
Date:24 février 2010
Note:
En 1962, quelques mois après la mort accidentelle de son copain Jim, le professeur d'université George Falconer n'a toujours pas retrouvé pied. Chaque réveil est pour lui un nouveau rappel pénible de sa solitude, avec son amie et voisine éloignée Charley, également d'origine britannique, comme seul réconfort. Alors que la crise des missiles de Cuba a mis tout le pays en émoi, George décide d'arranger une fois pour toutes sa vie en ce vendredi, 30 novembre.

Critique de Tootpadu

En tant que premier film d'un ancien créateur de mode, A Single man repose étonnamment peu sur les apparences. Après la longue préparation matinale, qui permet au protagoniste, en privé un veuf meurtri et las de vivre, de se conformer à son image publique, le récit laisse de plus en plus de côté les banalités de la vie, pour se pencher davantage sur l'essence de l'existence humaine. A la différence du roman de Christopher Isherwood dont le film est la libre adaptation, ce dernier enlève rapidement le moindre doute sur le caractère exceptionnel de cette journée dans la vie de George Falconer. Dans le même état d'esprit que la réplique en voix off de Lester Burnham qui introduit le dernier acte de American Beauty de Sam Mendes, le cadre temporel restreint de ce film-ci permet au professeur suicidaire de faire le point sur sa vie, dépourvue d'une raison d'être depuis la disparition brutale de l'homme de sa vie, dont il avait été exclu conformément à l'homophobie prépondérante il y a un demi-siècle.
Les rencontres fortuites du professeur pendant ce qu'il a décidé devrait être le dernier jour de sa vie, sur fond de souvenirs pour la plupart heureux des seize ans passés aux côtés de Jim, ne dissipent jamais tout à fait un sentiment profond de mélancolie. C'est parce qu'il a fait le choix de se refuser tout avenir que le personnage principal ose plonger corps et âme dans les tentations charnelles et les invitations à la nostalgie qui se présentent à lui au fil des heures. Son détachement assumé l'empêche certes de jouir des plaisirs potentiels. Mais il a préservé suffisamment de lucidité pour observer d'un oeil amusé les travers de son quotidien, qui lui paraissent si importants parce qu'il pense les vivre pour la dernière fois. Le bouleversement majeur s'opère justement, quand le plan autodestructeur paraît planifié et répété jusqu'au moindre détail. La dimension universelle de l'histoire atteint alors son apogée, comme pour mieux nous rappeler que la vie est si fragile, imprévisible et précieuse, que toute tentative de la jeter serait un abominable gâchis.
Parallèlement à la détermination narrative avec laquelle le réalisateur Tom Ford arrive à ce moment magnifique de vérité existentielle, il ne sait hélas pas toujours s'abstenir d'un symbolisme appuyé. Si le motif des yeux, conjugué jusqu'à l'obsession, et le montage mental peuvent encore trouver notre approbation, l'emploi d'autres dispositifs encombrants, comme le ralenti, nous déconcerte déjà sensiblement plus. Ces facettes artificielles de la forme filmique de A Single man sont d'autant plus regrettables, qu'elles détournent plus qu'autre chose notre attention de l'enjeu principal de cette belle méditation sur la vie.
Une réserve pareille ne nous viendrait pas à l'esprit pour décrire les interprétations. Même si ce film appartient entièrement au tour de force de Colin Firth, que nous n'avons jamais vu plus sincère et bouleversant, Julianne Moore sait s'imposer face à lui dans une séquence au ton doux-amer irrésistible. Et Nicholas Hoult s'est mué en jeune premier séduisant, depuis son rôle incomparablement plus ingrat dans Pour un garçon des frères Weitz.
Enfin, coïncidence du calendrier des sorties françaises oblige, celle de A Single man devrait tomber le même jour que celle d'Une éducation de Lone Scherfig. Situées à peu de choses près à la même époque, le début des années 1960, ces deux histoires complémentaires traitent brillamment des extrémités opposées de la vie humaine. Tandis que la jeune Jenny rêve de découvrir le monde à travers la rencontre avec des personnes plus instruites qu'elle, le professeur crépusculaire se renferme sur lui-même pour ne laisser personne le dissuader de son triste projet.

Vu le 4 janvier 2010, au Club de l'Etoile, en VO

Note de Tootpadu: