8th wonderland

8th wonderland
Titre original:8th wonderland
Réalisateur:Nicolas Alberny, Jean Mach
Sortie:Cinéma
Durée:98 minutes
Date:12 mai 2010
Note:
Face à l'injustice dans le monde et à l'inertie du pouvoir en place, la communauté 8th wonderland, constituée de quelques internautes contestataires, décide de mener des actions coup de poing en accord avec la constitution de leur pays virtuel. Les médias du monde entier prennent progressivement note des révendications plus ou moins anecdotiques de cette société secrète. Mais au fil des mois, leur notoriété et leur succès auprès de la population internationale dépassent les attentes des membres confidentiels de 8th wonderland. Dès lors sujet aux récupérations médiatiques mensongères et aux imposteurs, le forum de discussion a recours à des actions de plus en plus extrêmes.

Critique de Tootpadu

L'idée d'une société virtuelle, qui influerait sur la réalité depuis son univers parallèle, n'est pas seulement ingénieuse. Elle colle aussi parfaitement aux préoccupations de notre époque, où une bonne part de l'activité sociale a migré désormais sur des plates-formes d'échanges de tout et de rien, comme Facebook ou Twitter. Cette dualité de l'existence et de l'identité se déplacera tôt ou tard en faveur de la réalité virtuelle, quand l'accès au web se sera démocratisé et quand la génération qui a grandi organiquement avec la toile aura atteint l'âge de tenir les rênes de notre destin planétaire. Tant que la vie sur internet n'en est qu'à ses balbutiements, toute théorie en la matière relève de la science-fiction. Mais à moins de retomber dans l'âge de pierre, notre style de vie à venir sera inévitablement marqué par l'évolution de l'activité quotidienne sur le web.
Le plus souvent, ce défi social a été abordé par le cinéma grand public sous un angle ludique. Profondément inspirés du succès des jeux vidéos et des réalités virtuelles en haute définition dans lesquelles ces derniers nous égarent avec de plus en plus d'adresse - sans oublier l'inquiétude de voir le chiffre d'affaire de ces divertissements interactifs exploser, au détriment de l'activité cinématographique centenaire -, les films qui sont censés nous habituer à une co-existence entre l'homme et l'ordinateur ne paraissent pas tout à fait prendre au sérieux le phénomène. Même une oeuvre aussi populaire et visionnaire que le récent Avatar de James Cameron ne conçoit le monde virtuel que comme le messager spectaculaire, mais convenu, d'une philosophie qui prône le retour au respect primaire de la nature. La production entièrement indépendante 8th wonderland, qui a dû coûter moins que l'équivalent d'une minute de l'épopée précitée, vise plus haut et malgré tout plus juste dans sa création d'une réalité virtuelle, dans laquelle les règles du jeu de notre civilisation sont réinventées à partir d'exemples très concrets. Ce film a ainsi beau échouer misérablement d'un point de vue formel, le fond de son raisonnement ne reste pas moins curieux, voire passionnant.
Néanmoins, l'énorme souci avec 8th wonderland provient de sa structure scénaristique hautement bancale. Conçue comme une oeuvre chorale, l'intrigue suit une petite dizaine de personnages, qui change la face de la Terre par leur action militante et collective. Seulement, le fil narratif est si décousu et sous-développé qu'aucune tension dramatique ne peut en résulter. Le petit récit cadre symbolique autour des cafards investis d'une urgence d'exploration, grâce à la présence d'un meneur, est encore assez sympathique. Mais tout le reste de l'histoire est dangereusement proche d'une catastrophe filmique, à cause d'un ton lourd et prétentieux et d'une structure narrative dépourvue de la moindre continuité. Au lieu de nous initier au fonctionnement caché du forum de discussion ou de montrer la mise en oeuvre des différentes actions, les réalisateurs Nicolas Alberny et Jean Mach font un tour du monde répétitif et à la longue agaçant des médias. Vous y trouverez ainsi des icônes du petit écran aussi poussiéreux qu'Amanda Lear ou Julien Lepres. Mais vous attendrez en vain une explication globale concluante sur les arcanes de 8th wonderland, ou bien des personnages, qui depasseraient le stade de la caricature à tendance folklorique.
Parti à peu près sur de bonnes bases, 8th wonderland s'enfonce bien trop vite dans une complaisance narrative, à peine digne d'un téléfilm. La médiocrité affligeante de son histoire, truffée de séquences sans tête ni queue, anéantit tout espoir d'un regard décalé sur la révolution virtuelle que nous vivons déjà. Seule la conception visuelle du site de discussion est plaisante, tandis que le reste du film se démarque par une laideur plastique peut-être intentionnelle - pour indiquer à quel point l'esthétique du monde informatique est supérieure à la grisaille ambiante de la vie réelle -, mais assez repoussante.

Vu le 28 décembre 2009, au Club Marbeuf, en VO

Note de Tootpadu: