Ruban blanc (Le)

Ruban blanc (Le)
Titre original:Ruban blanc (Le)
Réalisateur:Michael Haneke
Sortie:Cinéma
Durée:144 minutes
Date:21 octobre 2009
Note:
Au début de l'été 1913, la quiétude bucolique d'un village protestant de l'Allemagne du Nord est troublée par deux accidents graves. Même si le calme s'est rétabli au moment de la fête des moissons, d'autres incidents étranges se produisent dans la communauté rurale, sans que le baron et la police ne puissent éclaircir cette affaire préoccupante. A l'approche de la Première Guerre mondiale, rien n'est déjà plus comme avant au village, après une série d'actes de malveillance et de mutilation, dont les enfants n'étaient peut-être pas uniquement les victimes.

Critique de Tootpadu

Par son ton cynique et son traitement austère, la Palme d'Or de cette année ressemble à s'y méprendre à un autre film, qui était passé de près à côté de la distinction suprême du festival de Cannes il y a six ans déjà : Dogville de Lars von Trier. Comme son confrère danois, le réalisateur Michael Haneke y explore le mécanisme social dans une petite communauté insulaire, qui a le plus grand mal à maîtriser, ou plutôt à ignorer, la bestialité propre à chaque être humain. L'arrivée de l'intruse Grace en tant que motivation dramatique est remplacée dans le cas présent par des actes barbares, perpétrés sans motif apparent, et nullement résolus par le biais d'une explication rassurante. Dans un film comme dans l'autre, ces grains de sable détraquent durablement le fonctionnement de la machine sociale, basée sur des traditions et des hiérarchies anciennes.
Le cadre pittoresque de la campagne, administrée sans passion par un baron autoritaire, ne mettra en effet pas longtemps, avant que les failles de l'imperfection humaine ne le dénaturent, en montrant leur vilaine face avec de moins en moins de pudeur. Les masques tombent progressivement et ceux et celles qui étaient censé personnifier l'ordre social ou l'exemple parental sont dévoilés comme des tyrans pervers, des bigots ou des lâches. L'humanité selon Michael Haneke se démarque toujours par sa cruauté et son égoïsme. Comme souvent dans ses films, le démontage systématique de tout ce qui est réconfortant ou au moins inoffensif se termine par une condamnation collective des personnages, plus abjects les uns que les autres. Personne n'y échappe, à cette contamination morale et viscérale par le Mal, même pas l'instituteur-narrateur, dont la démarche romantique n'est qu'en apparence plus respectable et saine que les rapports sexuels honteux de son entourage. Ceci dit, nous ne pensons pas que Michael Haneke soit adepte des schémas chrétiens du Bien et du Mal. Avec chaque nouveau film, il cherche à indiquer plutôt que l'être humain est foncièrement mauvais et que seules l'acceptation et la transmission de codes sociaux l'empêchent de sombrer dans la folie auto-destructrice, qui avait été fatale au personnage d'Isabelle Huppert dans La Pianiste.
Le stylé épuré du Ruban blanc et le décor nordique rapprochent ce film imposant également de l'oeuvre d'Ingmar Bergman. Comme le faisait le maître suédois dans ses films, Michael Haneke défend ici sa vision personnelle, nihiliste et déplaisante du monde qui nous entoure. Car en dépit des circonstances historiques de l'intrigue, qui auraient pu favoriser les méfaits dans le village par une fâcheuse conjoncture - et qui avaient incité nos confrères lors de la première du film à Cannes d'y voir sans aucun doute les signes annonciateurs du nazisme en Allemagne, par voie d'une extrapolation aussi hâtive qu'exclusive -, le constat moral de ce film relève de l'universel. Il s'emploie avec détermination à l'abolition du mythe angélique de l'enfance, tout en nous confrontant sans ménagement à des formes d'autorité et de répartition des responsabilités, sur lesquelles notre civilisation actuelle est fondée, qu'elle le veuille ou pas.
Enfin, le contraste entre la beauté plastique du film et la sévérité de son propos le rendent difficilement aimable. Au lieu d'être brutalement choqué, comme dans les deux films précédents du réalisateur, on éprouve plutôt de l'admiration pour la subtilité et la richesse des moyens d'expression filmique, dont Michael Haneke se sert une fois de plus brillamment. A l'image de son sujet - le musellement inefficace des pulsions humaines néfastes par un carcan social archaïque -, Le Ruban blanc gagne toute son ampleur dans la réflexion, afin d'élargir ses conclusions ambiguës à l'édifice dysfonctionnel des rapports entre les générations, ainsi qu'à l'hypocrisie ambiante, qui caractérisent notre époque actuelle.

Vu le 14 octobre 2009, à l'Elysées Biarritz, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Voici donc le film qui a fait couler tant d'encre au dernier festival de Cannes, après y avoir remporté la Palme d' or. La présidente du jury Isabelle Huppert, ayant tourné dans La Pianiste de Michael Haneke, a vu en la remise de cette récompense une pleine connivence.

Michael Haneke nous livre ici l'un de ses meilleurs films et surtout son plus stylisé. Ce réalisateur très porté sur l'exploration de l'âme humaine explore ici la vie d'un petit village protestant de l'Allemagne du Nord juste avant la Première Guerre mondiale. Ce village va être confronté au mal à l'état pur et montre que les apparences sont souvent trompeuses. Certains passages de ce film long et lent m'ont rappellé les tableaux des peintres allemands expressionnistes. De même, en voyant ce film, il est impossible de ne pas penser au film Le Village des damnés. En effet, les enfants et leur fausse innocence sont un des thèmes principaux de ce film. On pourrait ainsi y voir une explication de la dérive allemande, qui créa plus tard l’émergence nauséabonde du nazisme. Le réalisateur nous montre bien qu'une bonne éducation donnée par les parents est primordiale pour donner une bonne orientation à l'avenir de notre descendance.

Cependant, ce film n'apporte rien de nouveau du point de vue de la réalisation. Le réalisateur se contente de filmer de manière très théâtrale et académique ces paysans. La trop longue durée du film fait que je ne le retiendrai pas comme l'un des événements cinématographiques de l'année. Selon moi, la Palme d'or aurait dû être remise à Inglorious basterds qui, en traitant aussi du mal profond, nous livrait une œuvre cinématographique éblouissante. Le fait qu'Isabelle Huppert éprouvait une rancœur personnelle envers Quentin Tarantino explique aisément que Le Ruban blanc remporta la Palme d'or. De même, Michael Heneke est certes un grand réalisateur - sa version américaine de Funny games est à mes yeux son meilleur film à ce jour -, mais le fait de filmer trop de portes dans ce film ralentit l'action et n'y apporte rien. De même, le générique de début et de fin sans aucun thème musical m'a laissé plus que perplexe.

Vu le 14 octobre 2009, à l'Elysées Biarritz, en VO

Note de Mulder: