
Titre original: | A l'origine |
Réalisateur: | Xavier Giannoli |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 134 minutes |
Date: | 11 novembre 2009 |
Note: | |
Paul, un petit escroc, vole du matériel dans le monde de la construction et des travaux publics, en se faisant passer pour le responsable de la logistique d'une grosse entreprise. Sa nouvelle cible est un chantier de tronçon d'autoroute en province. Auprès de la population, Paul se fait passer pour Philippe Miller, de la société CGI, qui avait arrêté les travaux il y a deux ans, laissant toute la région sur le carreau. La maire de la commune et les fournisseurs espèrent que le chantier sera achevé, grâce à la venue de Miller, et lui facilitent la décision avec des pots-de-vin conséquents. D'abord séduit par cette combine trop facile pour se faire du fric, Miller s'investit finalement corps et âme dans le projet.
Critique de Tootpadu
Il existe parfois des histoires trop folles pour ne pas être contées. Celle d'A l'origine, présenté en compétition au dernier festival de Cannes, compte parmi celles-là. Inspiré d'un fait divers réel, le scénario évoque le destin d'un homme véreux, qui avait laissé de côté ses aspirations criminelles, pour mener à bien un projet fou. L'entêtement et la persévérance contre toute raison de Philippe Miller font obligatoirement penser à la construction d'un terrain de baseball dans un champ, dans Jusqu'au bout du rêve de Phil Alden Robinson, l'élément fantastique en moins. Mais le quatrième film de Xavier Giannoli réussit surtout à balancer sans complaisance entre l'énormité de la superchérie et la délicatesse des sentiments des personnages.
Le petit escroc minable, devenu le roi des imposteurs, qui est accueilli tel un messie parmi ses victimes, est en effet un héros bien improbable pour une telle histoire de dépassement de soi. Pendant la première moitié du film, ses calculs mesquins pour tirer de plus en plus d'argent sale de cette occasion inespérée rentrent directement en conflit avec le désespoir sincère et la misère sociale avec laquelle se débattent les habitants de la commune, depuis la fermeture du chantier pour une bête histoire de scarabée. Le rythme nerveux de la narration et notre appréhension de ce qui va suivre - forcément un désenchantement, mais pour qui ? - n'occultent en rien la dimension humaine de cette rencontre improbable. Dans des circonstances sociales et économiques tendues, l'espoir fait vivre, aussi illusoire soit-il. Le choc entre l'épique et l'intime produit alors des étincelles, qui font aisément oublier la durée importante du film.
Du côté de l'interprétation, François Cluzet et Vincent Rottiers confirment tout le bien qu'on pensait d'eux, grâce à un coup double magistral. Après respectivement Le Dernier pour la route et Je suis heureux que ma mère soit vivante, ces deux comédiens habitent leurs personnages de criminels en quête de réhabilitation, voire d'absolution, avec une intensité impressionnante. Mais la moitié féminine de la distribution n'est pas en reste, puisque Emmanuelle Devos et la jeune Stéphanie Sokolinski se distinguent par une fragilité induite par le doute tout aussi bouleversante.
Vu le 30 septembre 2009, à l'Elysées Biarritz
Note de Tootpadu:
Critique de Mulder
Souvent des faits divers, romancés ou non, permettent à des réalisateurs talentueux d'exprimer tout leur talent. Cette histoire d'un faussaire, qui décide de relancer la construction d'une autoroute dans une région française sinistrée, où le chômage est partout et où seule la masse paupérisée semble avoir sa place, m’a touché profondément. Comme ces personnages, nous avons tous été confrontés à la crise, soit en ayant été touché par le chômage, soit en ayant eu des problèmes financiers, au point de perdre espoir en la vie. Dans ces périodes de crise, de nombreuses sectes utilisent cette misère humaine pour manipuler les foules. Cependant comme c'est le cas ici, le personnage de Philippe Miller, qui avait pour but initial uniquement une petite escroquerie, décide de laisser libre cours à son imagination et se dresse en vrai patron de travaux. Nous sentons bien que l'objectif de ce personnage est de se trouver une manière de sa racheter et ainsi redonner espoir à ces habitants. Pour arriver à son objectif, il va utiliser la somme de ses talents pour catalyser l'attention de toutes ces personnes qu'il va employer. On se doute qu’avec le temps, le pot aux roses éclatera et tel est le cas. Mais au lieu de s'enfuir de nouveau, le personnage principal ira jusqu'à se mettre en porte à faux devant la vraie agence de travaux publics, afin que les travaux puissent continuer, cette fois de manière régulière.
Pour livrer aux spectateurs une histoire aussi simple et profonde, il fallait un réalisateur et scénariste investi, mettant tout son talent à l'édification de cette œuvre : Xavier Giannoli, qui avait déjà capté toute mon attention en nous présentant une belle histoire entre un chanteur en déclin et une jeune femme. Le couple Gérard Depardieu / Cécile de France du film Quand j'étais chanteur avait retenu toute mon attention. Ce réalisateur livre donc aux spectateurs une belle histoire comme on aimerait en voir plus souvent au cinéma, pleine d'humanité et de respect pour autrui. Il nous montre surtout que c'est en unissant nos talents respectifs que nous pouvons faire avancer les choses. Nous retrouvons ainsi dans un petit rôle ici l'immense comédien Gérard Depardieu, vivant actuellement sur le mythe qu'il a su imprégner par sa présence dans de grands classiques du cinéma français. Nous signalerons aussi la présence d'une jeune actrice, véritable révélation du film, Stéphanie Sokolinski. Sa force de caractère fait que ce film est porté par une volonté de se battre même quand l'espoir a totalement disparu. Enfin, une nouvelle fois, François Cluzet se révèle brillant dans l'interprétation de son personnage (il mériterait un César pour ce rôle). Lorsque des acteurs français semblent uniquement intéressés par la chasse à la plus haute rémunération, il fait toujours plaisir de voir de tels comédiens s'investir totalement dans leur rôle. A l'heure actuelle, François Cluzet est selon moi, avec Vincent Lindon et Guillaume Canet, le fer de lance de la nouvelle génération de grands comédiens français.
Ce film est donc l'un des plus grands films français de cette année, le rater serait faire une injure à notre cinéma national !
Vu le 30 septembre 2009, à l'Elysées Biarritz
Note de Mulder: