
Titre original: | Adoration |
Réalisateur: | Atom Egoyan |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 101 minutes |
Date: | 15 avril 2009 |
Note: | |
Après avoir étudié en classe un texte sur un terroriste, qui avait envoyé sa femme enceinte avec une bombe dans un avion, la prof de français Sabine est si impressionnée par la relecture qu'en a fait son élève Simon, qu'elle lui propose de s'en servir pour une création théâtrale. Dès lors, Simon, qui avait perdu ses parents dans un accident de voiture, prétend qu'il est le fils du couple évoqué dans l'article. Sa nouvelle identité ne manque pas de déchaîner les passions, surtout dans les forums de discussion sur internet, où son histoire est perçue comme de la réalité.
Critique de Tootpadu
La liste des cinq questions, qui ornent l'affiche française de cet excellent film canadien, peut paraître excessive, voire comique avec cette interrogation finale et rhétorique sur la vérité sur internet. Mais elle transcrit assez bien le ton d'Adoration, un film qui puise avec un acharnement et un discernement hors pair dans les profondeurs de l'identité humaine. Comme à son habitude, le réalisateur Atom Egoyan procède à la destruction de nos certitudes de spectateur, pour mieux aboutir à une oeuvre fascinante, éminemment en rapport avec notre époque d'une réalité virtuelle galopante, et pourtant d'une richesse incroyable dans le domaine de thèmes aussi universels que l'identité et sa construction, ainsi que la subjectivité sous toutes ses facettes.
Rapidement, la narration brouille les repères temporels. Très loin d'une linéarité ennuyeuse, mais également opposée aux dispositifs scénaristiques conventionnels, elle procède à un travail astucieux d'envoûtement du spectateur. En quelque sorte, c'est avec ce dernier que commence la démarche de perte des certitudes et de la distinction de ce qui est vrai ou faux. Avant que le projet de la prof ne devienne clair, l'identité de Simon reste dans le flou, comme une invention fictive, perdue quelque part dans les limbes, entre la reconstitution de la scène à l'aéroport et l'enregistrement du testament oral du grand-père mourant. En toute logique, la transmission des informations passe déjà par des artifices visuels, comme pour mieux occulter la frontière théorique entre l'être et le paraître.
Car l'autre grand thème du film est la construction d'un passé personnel, qui contiendra forcément quelques aspects fictifs. En fait, Simon ne s'engage dans le mensonge identitaire que pour mieux s'approprier sa propre histoire familiale trouble. Sa démarche relève à la fois de l'exorcisme du doute sur la culpabilité de son père et de l'empressement d'en savoir plus sur cette figure essentielle qu'est le géniteur, dont son oncle Tom n'est au mieux qu'un reflet fade et frustré. Cette identité personnelle, Simon se la construit de plusieurs manières différentes : en participant aux discussions virtuelles dont il peut être l'observateur ou l'intervenant, ou en interrogeant les vestiges de son environnement familial, en l'occurence son oncle et le spectre de son grand-père par le biais de la vidéo, sur leur capacité de lui révéler l'identité intrinsèque de son père, tel qu'il était ou au moins tel que Simon aurait aimé qu'il soit.
Ce ne sont là que quelques pistes de réflexion d'un film, qui sait admirablement bousculer nos habitudes de perception et de réception, sans en faire tout un pamphlet sur le danger des réalités virtuelles. En cela, Atom Egoyan est suffisamment conscient de l'évolution des choses pour ne pas prétendre à pouvoir les changer. Son rôle est plutôt celui d'un observateur ingénieux, qui sait brillamment relever les implications de ces nouvelles technologies et de cet état d'esprit de paranoïa terroriste.
Vu le 1er avril 2009, au Club Marbeuf, en VO
Note de Tootpadu: