Chéri

Chéri
Titre original:Chéri
Réalisateur:Stephen Frears
Sortie:Cinéma
Durée:93 minutes
Date:08 avril 2009
Note:
Au début du XXème siècle, Léa de Lonval est une des plus riches courtisanes de Paris. Plus très jeune, elle arrive encore à séduire certains hommes politiques et aristocrates européens fortunés. Son ancienne rivale et amie de circonstance Charlotte Peloux aimerait bien que Léa s'occupe de son fils Chéri, un jeune homme oisif qui ne vit que de la fortune de sa mère. D'abord hésitante, Léa cède aux avances de Chéri pendant un voyage en Normandie. Mais à sa grande surprise, sa relation sentimentale avec Chéri se poursuit pendant six ans, jusqu'à ce que sa mère décide de concrétiser son souhait de petits-enfants à travers un mariage arrangé entre Chéri et la jeune Edmée, elle aussi la descendante d'une courtisane sans scrupules.

Critique de Tootpadu

Stephen Frears nous revient en très grande forme avec cette adaptation de deux romans de Colette. Ce n'est en effet pas depuis le magistral Temps de l'innocence de Martin Scorsese il y a quinze ans, que nous avons assisté à un film d'époque aussi somptueux et anobli par une intrigue, qui traduit avec délicatesse les souffrances des sentiments réprimés.
Plus léger et frivole que l'adaptation d'Edith Wharton et que Les Liaisons dangereuses du même Stephen Frears, Chéri n'en est pas moins une comédie de moeurs passionnante. Le luxe avec lequel Léa de Lonval et ses semblables s'entourent ne fait que souligner encore plus leur incapacité innée de vivre un amour réel. Habituée à monnayer chèrement ses services, y compris son corps et son affection intéressée, la courtisane fait, dès son entrée dans cette profession sulfureuse, son choix entre l'argent et les sentiments.
Bien qu'elle n'ait pas encore atteint le stade de harpie avare dans lequel se complaisent ses consoeurs Charlotte Peloux et Marie-Laure, la mère d'Edmée, Léa de Lonval peine néanmoins à faire exister sa relation avec Chéri en dehors des contraintes sociales et de l'état d'esprit voluptueux, mais vain, de son milieu. Certes, elle n'est pas particulièrement aidée par son amant, un gamin inconsistant et mou, qui se serait peut-être réfugié dans ses bras accueillants, à la fois pour échapper à la surveillance de sa mère et pour maintenir, sous une forme détournée, son rapport de dépendance envers une femme déterminée. Mais c'est justement ce refus de grandir et de prendre sa vie en mains, ou bien tout au moins la prise de conscience de cette lacune existentielle, qui fait capoter in extremis leur relation, pour laisser Léa seule devant sa glace, dans une image saisissante qui rappelle évidemment celle de la Marquise de Merteuil, tout aussi défaite, à la fin des Liaisons dangereuses.
Cependant, Stephen Frears ne s'emploie point à une simple resucée paresseuse de son succès incontestable d'il y a vingt ans. Sa narration fait preuve d'une sophistication enjouée, qui n'ignore jamais l'absurdité des conventions et des actes dans un microcosme social aux règles très particulières. Le drame de la relation impossible entre Léa de Lonval et Chéri est atténué largement par un ton doucement moqueur, présent dès le générique qui établit un lien entre les putains de toutes les époques. En même temps, le faste enivrant des décors et des costumes, conçus magistralement par Alan MacDonald et Consolata Boyle, contribue indirectement à rendre les tourments sans issue des amoureux plus exacerbés.
Enfin, Michelle Pfeiffer retrouve ici son premier rôle majeur, d'une complexité émotionnelle hors pair, depuis longtemps. Sa Léa de Lonval ne possède bien entendu pas la férocité de l'interprétation légendaire de Glenn Close. Mais son jeu fait ressortir brillamment les doutes, les incertitudes, et, le plus douloureusement, les déceptions d'une femme belle et cultivée, qui ne sait pourtant pas écouter son coeur. A ses côtés, le jeune Rupert Friend est un prétendant indécis très convaincant et Kathy Bates fait des étincelles dans son rôle de la mère, dont l'exaspération et ses conséquences ne sont pas toujours marrantes.

Vu le 4 mars 2009, à la Salle Pathé Lamennais, en VO

Note de Tootpadu: