Tokyo sonata

Tokyo sonata
Titre original:Tokyo sonata
Réalisateur:Kiyoshi Kurosawa
Sortie:Cinéma
Durée:120 minutes
Date:25 mars 2009
Note:
Suite à la délocalisation d'une partie de son entreprise en Chine, le directeur du secteur administratif Sasaki Ryuhei se retrouve du jour au lendemain au chômage. Il n'ose pas l'avouer à sa femme, par peur de perdre son autorité familiale. Mais entre les démarches auprès de l'agence nationale pour l'emploi et ses visites à la soupe populaire, Ryuhei peine à retrouver un travail qui correspondrait à ses capacités et à son statut social. En même temps, son fils cadet Kenji prend en douce des leçons de piano et son fils aîné Takashi rêve de rejoindre l'armée américaine afin de se battre pour la liberté.

Critique de Tootpadu

Le Japon, tel qu'il est décrit dans ce nouveau film de Kiyoshi Kurosawa, un des réalisateurs asiatiques les plus prolifiques et les plus intéressants, n'est vraiment plus ce qu'il était. La voiture de rêve y est française. La sacro-sainte éthique du travail est dangereusement minée par un chômage tenace. Et la jeunesse n'est guère prête à prendre la relève, tellement elle s'engage dans un idéalisme aussi borné que naïf. En somme, Tokyo sonata est le constat par excellence de notre époque, marquée par une dégringolade économique et morale apparemment irréversible, bien qu'il ait été tourné avant que la chimère de la crise ne soit sur toutes les lèvres.
Pendant la première moitié du film, Kurosawa démontre avec brillance à quel point il a acquis une maturité filmique redoutable au fil de son parcours atypique, depuis le début des années 1980, et dont seulement une dizaine de films ont été distribués en France. En toute simplicité, il nous subjugue avec ses cadrages riches en symboles révélateurs de la situation inconfortable des personnages et pourtant discrets. Kurosawa pratique alors un académisme à l'ancienne avec une élégance, qui place l'histoire d'une famille en pleine décomposition loin de tout pathos.
Et puis, sans prévenir, son récit bascule davantage vers le point de vue de l'épouse, interprétée magistralement par Kyôko Koizumi. La grisaille d'une existence sur la pente descendante est alors subitement transpercée par des moments poétiques et incongrus. Tandis que les coups bas se multiplient, les personnages sont de plus en plus animés par une frénésie du dérèglement. Face à la mort comme manifestation ultime du désespoir, le couple Sasaki, et avec lui le film, se lance dans une course folle vers un nouveau départ. Lorsque leur existence leur paraît le plus intenable, les personnages principaux rêvent avec le fanatisme de celui qui n'a plus rien à perdre d'une mise à zéro du compteur usé de leur vie.
Evidemment, la poésie filmique selon Kiyoshi Kurosawa, incroyablement belle dans son imprévisibilité et sa simplicité, nous réserve une conclusion qui confirme la délicatesse du ton, entre conte et drame social, de ce qui est, à ce jour et à nos yeux, le film le plus accompli du réalisateur !

Vu le 26 février 2009, au Club Marbeuf, en VO

Note de Tootpadu: