Sleep dealer

Sleep dealer
Titre original:Sleep dealer
Réalisateur:Alex Rivera
Sortie:Cinéma
Durée:90 minutes
Date:10 décembre 2008
Note:
Dans un futur proche, les Etats-Unis ont hermétiquement fermé leur frontière aux immigrés mexicains. Ceux-ci fournissent néanmoins une main d'oeuvre à distance bon marché, puisqu'ils travaillent dans des usines qui relient leur système nerveux aux robots sur le sol américain. Le jeune Memo Cruz est très loin de ce monde d'opportunités futuristes, dans son petit village desséché depuis la construction d'un immense barrage en amont du fleuve, qui fournissait l'eau aux champs de son père. Avec sa radio pirate amateur, Memo écoute les conversations des habitants de ce monde de rêve. Mais lorsque son signal est intercepté par l'armée, celle-ci le prend pour un terroriste potentiel et envoie des drones pour détruire sa maison.

Critique de Tootpadu

Avec des moyens modestes, ce premier film mexicain opère une extrapolation astucieuse des maux technologiques qui rongent actuellement notre civilisation. L'avancée décisive du travail neurologique mise à part, les autres signes du progrès dans ce monde aux clivages sociaux exacerbés apparaissent comme l'évolution tout à fait logique des signes précurseur, qui se manifestent dès maintenant. La tendance à mettre ses souvenirs personnels à la portée de tout le monde façon Facebook ou la fascination pour une télé-réalité au service d'une propagande déshumanisée : on trouve dans Sleep dealer bon nombre de conclusions lucides quant à l'usage excessif du monde virtuel.
Le scénario pousse même la méfiance envers l'envahissement de la réalité par un monde parallèle virtuel jusqu'à la corruption de ses vestiges. Poussée par la nécessité économique, Luz transforme ainsi ces rares moments d'un vécu authentique en une marchandise numérique monnayable. Au sein d'un monde câblé à outrance, l'existence se résumerait à un échange de flux, de l'ordre du souvenir, de l'énergie vitale et des biens sous forme d'argent ou de prestations de service. Sans vivre dans une misère atroce, les habitants des pays pauvres répondraient encore plus que de nos jours aux ordres dictatoriaux des pays riches, abandonnant même tout espoir d'une éventuelle ascension au statut social envié de leurs exploiteurs. Non, dans ce monde basé sur l'inégalité, il vaut mieux ne pas rêver d'une amélioration naturelle de sa condition, mais saisir la moindre opportunité pour faire dérailler partiellement cette petite-fille cauchemardesque de l'économie globale.
Grâce au coup de pouce des créateurs américains d'effets spéciaux, Alex Rivera nous présente une esthétique visuelle pas vraiment révolutionnaire, mais tout de même convaincante. De toute façon, son film vise plus à mettre en garde contre les dérives du sacrifice de nos droits et de nos libertés au profit d'une omniprésence virtuelle, qu'à célébrer les prouesses techniques de celle-ci. Sa narration ne fait pas toujours preuve de confiance, mais on y décèle plus les hésitations d'un réalisateur pas encore complètement à l'aise avec l'outil cinématographique, que les lacunes éventuelles d'un débutant sans talent. Pour le peu de moyens dont Alex Rivera a dû disposer pour réaliser son premier film, à l'ambition futuriste assez conséquente, Sleep dealer constitue assurément une surprise agréable !

Vu le 21 octobre 2008, au Club de l'Etoile, en VO

Note de Tootpadu: